Par Michel LAGACÉ

Dans le monde culturel, les annonces ont été aussi inévitables qu’impensables. Du jour au lendemain, l’Orchestre symphonique de Winnipeg a dû congédier une centaine de musiciens et d’employés. Partout, concerts et évènements sportifs ont été annulés, théâtres et musées fermés. Une foule de travailleurs autonomes se trouve soudainement sans emploi : charpentiers, huissiers, publicistes, administrateurs, équipage de scène, bibliothécaires, costumiers, perruquiers et d’innombrables spécialistes souspayés qui vivent le plus souvent de projet en projet.

En Allemagne, lorsque la Ville de Berlin a dû fermer ses institutions culturelles, la ministre de la Culture, Monika Grütters, a immédiatement pris acte que le secteur culturel serait durement touché. Elle a donc proposé des consultations pour discuter de mesures d’aide. De son côté, son homologue québécoise, Nathalie Roy, mettra sur pied un comité pour assurer que les contrats signés par les artistes affectés par les mesures d’urgence seront honorés.

Et au Manitoba? Pas un mot. Dans son budget adopté la semaine passée, la Ville de Winnipeg propose de réduire son appui au Conseil des Arts de Winnipeg qui passerait à un peu moins de 4,2 millions $ en 2020 alors qu’il était d’un peu plus de 4,6 millions $ en 2019. Par contre, cette année, 130 millions $ seront alloués à l’amélioration des routes locales et régionales, une somme qui augmenterait jusqu’à 161 millions $ en 2022. Les représentants de la Manitoba Heavy Construction Association et de la Chambre de commerce de Winnipeg ont chaleureusement accueilli les propositions de la Ville. On comprend que d’autres secteurs économiques ont besoin d’être appuyés aussi.

Pour sa part, le Premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, a omis d’inclure dans sa lettre de mandat du 3 mars à la ministre des Sports, de la Culture et du Patrimoine, Cathy Cox, toute mention de sa Politique culturelle et plan d’action publiée en mars 2019. De toute évidence, ce plan qui n’était pas forcément inspirant est mort dans l’oeuf.

Tous ces gens semblent oublier les retombées économiques et sociales du secteur culturel, sans même mentionner la valeur intrinsèque des arts. Heureusement, il y a des gens d’affaires sérieux qui reconnaissent la valeur du secteur culturel et son importance pour retenir ou attirer une main-d’oeuvre de haut calibre au Manitoba. Ceux-là se portent bénévoles aux conseils d’administration de nos institutions culturelles et les appuient financièrement.

Pour ce qui est des élus provinciaux et municipaux, reflètent-ils vraiment les intérêts de l’électorat? En période de quarantaine, que ferait la population sans les artistes de la télévision et de la radio, sans livres et autres formes de divertissement?

Leur indifférence et leur négligence sont au détriment des intérêts réels de la société. Ils doivent reconnaître que le secteur culturel et artistique du Manitoba fait face à un avenir très difficile à court et à moyen terme. Il leur incombe de voir à ce que les artistes et les institutions culturelles seront là longtemps encore pour créer, pour questionner, pour réfléchir et pour nous inspirer.