Luc Jean est l’un des trois chefs cuisiniers qui participent à la nouvelle expérience gastronomique De la ferme à la table organisée à la ferme de fraises Prairie Berry en juillet. L’occasion de revenir sur le parcours culinaire de ce chef voyageur.

Par Laëtitia KERMARREC

Juc Jean retourne à ses premières inspirations : « Ma passion pour la cuisine a commencé quand j’étais jeune. Déjà à l’école, mes amis venaient à la maison et je leur faisais à manger. Mais aussi et surtout, j’ai toujours été très gourmand!

« Vers l’âge de 15 ans, je faisais des livraisons de journaux. Sur mon circuit il y avait la boulangerie française Le Croissant. Comme j’étais toujours à l’heure, Jean-Pierre Pichon, le boulanger-pâtissier propriétaire, m’a un jour offert un petit pain au chocolat.

« Je suis tombé en amour avec la pâtisserie française. Il m’a dit : Tu travailles fort, tu devrais faire de la pâtisserie… C’est là que mon parcours a commencé.

« Jean-Pierre Pichon était un genre de sponsor.(1) À travers lui, plusieurs Français sont venus au Manitoba.

« L’un d’eux a été le chef breton Bernard Mirlicourtois, qui est devenu chef au Manitoba Club : après un an à travailler les fins de semaine au Croissant, je suis parti chez lui comme plongeur avant d’y commencer mon apprentissage officiel en cuisine à 17 ans. »

Après l’obtention de son certificat de cuisinier à 19 ans, se sont ensuite enchaînées les expériences de deux-trois mois à l’étranger.

« Un premier stage au restaurant Le Florida à Castéra-Verduzan en France, puis dans le restaurant deux étoiles La Tante Claire à Londres en Grande-Bretagne, et dans le restaurant Tylohus à Halmstad en Suède. »

Après les stages, « mon premier travail comme chef cuisinier était au Resto Gare à Saint-Boniface entre 2003 et 2005. Puis je suis parti en Australie pour travailler dans l’hôtel Conrad Hilton, qui est le Star Gold Coast maintenant ».

Après cinq ans au pays des kangourous, « il fallait qu’on décide avec ma femme (aujourd’hui ex-femme) si on restait en Australie ou si on revenait au Manitoba. Puisque des deux côtés on avait de la famille à Winnipeg, on est revenus ».

À son retour au bercail, Luc Jean a travaillé quelques temps à l’hôtel Fairmont, avant d’enseigner la cuisine au Collège Red River jusqu’en 2015. Motif de son passage à l’enseignement?

« Ce métier m’a permis de voyager et de faire de vraiment belles choses. Mais ça reste un métier difficile, avec de longues journées de dix heures par jour, voire parfois 14, six jours par semaine.

« Après notre séparation avec mon ex-femme, il me fallait une nouvelle aventure. Alors en 2015 j’ai appelé Doug (Stephen) de Wow! Catering pour ouvrir le restaurant Mon ami Louis sur l’Esplanade Riel. Comme la place était fermée les hivers, j’ai commencé à travailler comme traiteur chez Wow!. C’est devenu très prenant, au point où je n’avais plus le temps d’aller à Mon ami Louis (2) ».

Autant dire qu’avant la pandémie, « c’était très occupé, avec au minimum 365 évènements par année. Depuis la pandémie, sous Wow! j’ai lancé les cuisines fantômes, des commandes en ligne. Ça a bien marché et ça nous a sauvés. Je recommence maintenant doucement la restauration, avec deux à trois évènements par semaine. »

Pour le projet De la ferme à la table, « le CDEM m’a contacté pour m’expliquer qu’ils essayaient de mettre en marche un projet culinaire avec Prairie Berry. Je leur ai dit : Oui, ça m’intéresse. »

Pour Luc Jean, le thème de la soirée est évocateur de souvenirs.

« J’adore tous les fruits, toutes les baies. Quand j’étais jeune, je mangeais les confitures de ma grand-maman et ses tartes. Je suis tombé amoureux des fraises à ce moment-là. Il n’y a rien de meilleur qu’une bonne confiture maison sur une tranche de pain grillée avec du beurre. »

Et les recettes fruitières ne se limitent pas au sucré. « Tu peux faire toutes sortes de choses avec les fraises. Par exemple, pour cette expérience gastronomique, un des mets que je prévois, c’est une escalope de veau avec des fraises et un beurre à la sauge et au citron. »

Des plats qu’il pourra présenter en personne aux visiteurs.

« Quand les gens vont arriver dans la grange, je vais leur dire bonjour et leur servir un hors- d’œuvre avec une boisson aux fraises. Je vais leur expliquer la recette, puis ils iront dans les champs de fraises déguster les plats. Il y aura un menu différent à chaque semaine. »

En dehors des fraises de Prairie Berry, ce projet vise aussi « à appuyer les voisins, c’est-à- dire à rester local et saisonnier autant que possible, en achetant les légumes aux Jardins Saint- Léon par exemple. La pandémie a été une période difficile. Il y a beaucoup de gens qui souffrent dans la restauration. Ces temps- ci, ça fait du bien de s’appuyer entre commerces francophones.

« De plus, on va se faire de nouvelles amitiés. Et il n’y a rien de meilleur que des plats frais qui passent directement de la ferme à l’assiette! »

 

(1) Jean-Pierre et Liliane Pichon ont vendu Le Croissant à Jérôme et Fabienne Boulanger en août 2005.

(2) Le restaurant Mon ami Louis a définitivement fermé ses portes à l’automne 2019.