Abdoulaye Diarra est arrivé premier au concours Ma thèse en 180 secondes organisé sur Zoom par le professeur agrégé Jean-Eric Ghia en collaboration avec l’Université du Manitoba et l’Acfas. Étudiant en master, il ne sera cependant pas à la finale nationale le 19 novembre 2020 où ne sont envoyés que des doctorants. Il partage son expérience. (1)

Par Laëtitia KERMARREC

Abdoulaye Diarra est originaire du Mali. « J’ai fait toutes mes études secondaires là-bas. J’ai eu de la chance, j’avais des bonnes notes. Alors j’ai reçu une bourse pour aller étudier en Égypte après le secondaire. Je voulais faire des études en médecine.

« Mais il y avait à ce moment-là des grosses manifestations en Égypte. Beaucoup de choses se passaient à cause du président égyptien. La situation politique n’était pas stable. Alors j’ai décidé d’aller étudier au Canada. »

C’est donc à l’Université de Saint-Boniface que démarre véritablement sa carrière en sciences. « J’étais passionné par les sciences depuis toujours. Donc j’ai débuté un baccalauréat en sciences, spécialités microbiologie et biochimie. »

« Au cours de ce baccalauréat, j’ai effectué plusieurs stages dans différents établissements, dont un stage au Département d’immunologie à l’Université du Manitoba que j’ai beaucoup apprécié, sous la direction du Professeur agrégé Jean-Eric Ghia. »

« Cette expérience m’a donné envie de poursuivre une maîtrise en immunologie à l’Université du Manitoba et de continuer le stage. J’ai commencé en 2018 et je finirai en 2020, si tout va bien. »

« Mon sujet traite de la colite ulcéreuse. Je cherche à développer un nouveau traitement à partir d’un peptide appelé chromofungin pour améliorer la santé des patients atteints de cette maladie. Sa voie d’action passe par le système immunitaire. » (2, 3)

Déjà, les résultats sont prometteurs. « On a montré que la chromofungin a des effets anti-inflammatoires.

« Or l’inflammation est très présente dans la colite ulcéreuse, donc le peptide est bénéfique. Ça passe par des mécanismes complexes dont l’apoptose, le processus naturel par lequel les cellules déclenchent leur auto-destruction. »

En ce qui concerne le concours, « c’était la première fois que j’y participais. On a eu une discussion avec le Professeur Jean-Eric Ghia, qui me disait qu’il y avait cette compétition en français. J’avais déjà regardé des vidéos du concours en anglais et je me disais que c’était quelque chose que je voulais vraiment essayer. J’étais très excité à cette idée.

« Avec la pandémie, les plans ont été un peu retardés. Puis on a tous reçu des courriels et j’ai décidé de me lancer. On devait envoyer une vidéo de 30 secondes pour évaluer nos qualités oratoires et notre capacité à s’exprimer en français. »

Après son acceptation, Abdoulaye Diarra a décidé de profiter de la présence de son petit frère Amadou au Manitoba.

« Je m’entraînais avec lui. Ce n’était vraiment pas facile de mettre ma thèse sur PowerPoint pour une courte présentation. J’ai beaucoup de données, donc ça m’a pris du temps. C’est aussi difficile de simplifier les résultats. »

Difficile, mais pas impossible. « Pour illustrer, j’ai mis trois images sur le PowerPoint : une personne avec les symptômes de la maladie, une image des cellules immunitaires que j’étudie, et une image de l’action de la chromofungin sur ces cellules immunitaires avec un intestin heureux. »

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L’aspect visuel en place, restait à peaufiner la part des mots.

« J’ai choisi de commencer ma présentation avec une mise en situation pour attirer l’attention du public. Je leur ai dit : Imaginez si vous aviez toujours mal au ventre, si vous deviez aller aux toilettes cinq à six fois par jour. Comment pensez-vous que ça impacterait votre qualité de vie? Après quoi j’ai donné les explications sur la maladie et ma recherche. »

Abdoulaye Diarra a aussi fait appel à ses expériences passées.

« J’ai pris un cours intitulé « l’art de parler », avec le professeur Thomas Bres à l’Université de Saint-Boniface pour apprendre à parler face au public, pour garder son attention. C’est ce cours qui m’a vraiment appris à vulgariser. »

Néanmoins au jour J, « devant la caméra, la panique a commencé, j’étais nerveux. » Un trac que l’on peut comprendre aisément, même si le format en soi ne lui posait pas de problème.

« Avec cette pandémie, j’étais un peu habitué à Zoom. Une présentation devant un public m’aurait aidé, j’aurais pu bouger un peu, mais j’étais correct. »

Quand l’étudiant au master a été déclaré gagnant du concours, il a été « vraiment content. Je ne m’attendais pas à arriver premier! J’ai passé beaucoup de temps sur ce concours. Alors ça fait du bien de recevoir cette reconnaissance. »

Une reconnaissance qui s’est soldée par « un premier prix, un chèque de 400 $, un abonnement à l’Alliance française, un casque Bluetooth offert par La Liberté et plein de petits trucs, comme un sac de couchage donné par l’Université du Manitoba. »

Un petit résumé de l’expérience de vulgarisation en 10 secondes ou moins? « Je suis vraiment reconnaissant, et j’encourage tout scientifique qui parle français de participer à ce concours. Si j’ai la chance de participer encore, je le ferai. »

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(1) Il est possible de visionner le concours à l,adresse suivante : https://www.youtube.com/umanitoba/videos

(2) La colite ulcéreuse est une maladie inflammatoire chronique de l’intestin.

(3) Un peptide est une petite protéine.