Par Michel LAGACÉ

Jour après jour, Theresa Tam, l’administratrice en chef de la Santé publique du Canada, fait le point sur la COVID-19. La semaine dernière, elle a aussi évoqué la menace particulière des réseaux sociaux qui propagent une autre sorte de pandémie, celle de la désinformation. Pour la combattre, elle insiste sur des conseils de gros bons sens : demander d’où vient l’information et consulter des sources sûres.

Les résultats d’un sondage de la population québécoise par rapport à la pandémie illustrent l’étendue de la désinformation. Le 3 août dernier, l’Institut national de santé publique du Québec révélait que :

• 35 % des répondants estimaient que le gouvernement leur cachait des informations importantes à propos de la pandémie;

• 23 % croyaient que le virus avait été créé en laboratoire;

• 6% croyaient qu’il existait un lien entre les tours de télécommunications 5G et le virus.

De telles croyances ont des conséquences réelles, car ceux qui les partagent sont moins susceptibles de suivre les conseils sanitaires des responsables de la santé publique.

Il est trop facile d’imaginer des complots à caractère politique à partir d’interprétations diffusées dans les réseaux sociaux. Par exemple, un étudiant demandait à Justin Trudeau d’expliquer les « camps d’internement » érigés pour combattre la COVID-19.

Il s’agissait en réalité d’une extrapolation fantaisiste d’une annonce publiée par Santé Canada qui recherchait une entreprise que pourrait gérer les sites réservés aux voyageurs arrivant de l’étranger et aux résidents qui n’avaient pas d’endroits appropriés pour se mettre en quarantaine. Les « complots » de ce genre sont trop souvent populaires et sèment sinon la peur, du moins la confusion.

L’usage de la désinformation à des fins politiques a libre cours dans l’actuelle présidentielle aux États-Unis. Par exemple, Joe Biden, le candidat démocrate, a conquis le bégaiement, mais il lui arrive encore aujourd’hui de bégayer. Fox News, l’organe de propagande de Donald Trump, en a profité pour réaliser un montage de ses difficultés de parole pour s’en moquer. Ses opposants politiques peuvent ainsi cruellement présenter Biden comme un candidat vieillissant, bredouillant et perdant ses facultés intellectuelles.

Ils ont vite inventé un scénario diffusé et relayé dans les réseaux sociaux : s’il devient président, Biden devra tôt ou tard démissionner et céder son poste à sa vice-présidente, Kamala Harris. Et on invente aussitôt une caricature d’une femme, noire, qui serait une socialiste radicale, voire une marxiste-léniniste!

Ce type de désinformation malicieuse accentue la corruption de la place publique. Au lieu de travailler à renforcer la cohésion sociale si nécessaire au bien-être public, cet usage abusif des réseaux sociaux déchire la société en camps opposés. La Dre Tam fait judicieusement appel à une double responsabilité sociale de la population : combattre la pandémie et contrecarrer la pollution de l’espace public.