Attirée par la lecture et l’écriture depuis son plus jeune âge, l’auteure Laïssa Pamou vient de publier d’un mouvement ses deux premiers ouvrages : un recueil de poésie, Les maux au coeur d’un cahier intime et un roman, Madiba (1). Il y a des convergences qui valent d’être saluées.

Par Ophélie DOIREAU

Arrivée au Manitoba à l’été 2014 pour étudier à l’Université de Saint- Boniface, Laïssa Pamou a su continuer de cultiver son amour pour l’écriture. « J’ai commencé à écrire depuis que je suis petite. C’était une manière pour moi d’extérioriser mes sentiments. L’écriture était pour moi un refuge.

« Même en classe, dans mes cahiers d’école, des notes inscrites à droite et à gauche des pages me rappellent quelques une de mes pensées. On y retrouve aussi des petites histoires ou des petits poèmes que j’écrivais à l’époque. »

En grandissant, cette passion de se traduire en mots n’a fait que s’amplifier.

« Je réfléchissais sur quel sujet je pourrais écrire plus spécifiquement. Mon premier roman est un questionnement sur la société.

« J’ai l’impression que nous vivons dans une société très polarisée, où l’humain est mis au second plan. On en a la preuve tous les jours avec le traitement de nos aînés, de nos enfants ou encore des personnes en situation de handicap.

« Mon roman, Madiba, raconte l’histoire d’une ville qui pourrait se trouver au Canada, au Cameroun ou encore en France. Cette ville est un endroit où les valeurs humaines reprennent le dessus.

« On entend parfois des gens dire : Regarde, j’ai dix voitures! Moi je leur demande : Mais estce que tu es vraiment heureux?

« À Madiba, on considère tous les enjeux sociaux. Du changement climatique jusqu’aux infrastructures pour les aînés. C’est un no man’s land où tout est à construire et à penser avec un objectif central : l’humain. »

On pourrait penser que l’auteure a choisi le nom de sa ville imaginaire en clin d’oeil à Nelson Mandela. En fait, le mot contient de profondes résonnances. « En douala, Madiba signifie l’eau. L’eau dans le sens de la vie et de la générosité. Et en medumba, Madiba signifie un peuple qui a une franchise. Ce mot a le pouvoir d’exprimer un ensemble. »

Son roman de société a germé sur quelques années, lui donnant ainsi la possibilité d’approfondir les thèmes. « J’écrivais des idées par-ci parlà et je me disais : Quand j’aurais le temps, je m’y mettrais plus intensément. J’ai gradué en juin 2018, des projets sont arrivés. Des bouleversements dans ma vie également.

« Ces choses de ma vie m’ont inspirée pour écrire des poèmes. Je les partageais dans des cercles de littérature. Les gens appréciaient, se montraient touchés.

« Chaque poème propose le vécu d’une personne. En un mois de temps je me suis retrouvée avec une quinzaine de poèmes. Une amie anglophone m’a poussée à les publier.

« Et je me suis dit : Mince, mais qu’est-ce que je fais de mon bébé Madiba? En 2019, j’avais pris deux semaines de congé. Tous les soirs j’écrivais. En sept jours j’avais complété mon roman. Il est vrai que je l’avais tellement réfléchi et mijoté dans ma tête. La beauté c’est qu’en écrivant, je vivais l’histoire. J’avais l’impression d’être là-bas. »

La romancière, comme la poète, a choisi partager son oeuvre autour d’elle pour avoir des retours et des corrections. « Ça a pris quelques mois pour retravailler le roman. Si bien que ce n’est qu’en janvier 2020 que j’ai soumis mes deux ouvrages pour publication. »

Comme toute vocation précoce, Laïssa Pamou a été influencée par son enfance. « Quand j’étais petite, je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Particulièrement de la littérature africaine et de la littérature féministe.

« Mais ce qui m’inspire avant tout, ce sont les humains autour de moi. J’écoute beaucoup. Je questionne beaucoup. Et je m’interroge aussi beaucoup sur la construction de mes écrits.

« Par exemple, dans un de mes poèmes, je reviens sur l’idéal féministe. J’ai été élevée dans un environnement féministe. Un jour, j’ai entendu un discours nouveau. J’avais le choix : ne pas l’écouter et me conforter dans mes idées ou bien écouter et apprendre.

« Dans un poème en particulier, je donne la parole aux femmes qui ne se retrouvent pas dans le féminisme actuel. Il est peut-être temps de repenser le féminisme pour rallier toutes les femmes.

« Le courant féministe actuel tend à mépriser certaines femmes porteuses de valeurs sociétales différentes. Est-ce qu’une femme voilée ne peut pas être féministe à cause de son voile? Il est temps de repenser ce concept. »

Peut-être que la ville imaginaire de Madiba pourrait devenir le noyau fertile d’un mouvement d’ouverture, fluide comme l’eau et fort comme la franchise.


   (1) Les livres sont disponibles aux Éditions Edilivre, maison d’édition qui propose de publier gratuitement les oeuvres des auteurs en les laissant libres de leurs contenus.