Depuis le début de la pandémie, le milieu scolaire est sur la corde raide. En plus du problème de recrutement d’enseignants qualifiés qui s’est exacerbé, les conseils scolaires font des pieds et des mains pour faciliter l’adaptation du personnel aux techniques pédagogiques à distance et la manipulation des outils d’éducation virtuelle. 

 

Par Inès LOMBARDO – Francopresse

 

Les banques de suppléants qualifiés pour remédier aux congés maladie ou aux congés maternité sont quasi vides d’est en ouest, ce qui rend compliqué de trouver des enseignants lorsque des cas d’éclosions surviennent. 

Au Nouveau-Brunswick, le District scolaire francophone Sud a recours à des personnes diplômées dans la matière qu’ils vont enseigner, mais qui n’ont pas forcément suivi de cours en pédagogie. 

Monique Boudreau, présidente du Regroupement national des directions générales de l’éducation (RNDGE), rapporte même que dans certaines régions et dans des cas plus rares, les suppléants n’ont pas de diplôme universitaire. Ils ont au minimum un diplôme d’études collégiales, mais dans ces cas-là, les conseils scolaires font en sorte que ce soient des suppléants au jour le jour et non sur la durée.

Depuis cette année, le District scolaire francophone Sud embauche des « contrats C » : il s’agit d’étudiants en dernière année d’un programme en éducation qui n’ont pas encore obtenu leur brevet d’enseignement. Cette pratique, amorcée pour répondre aux besoins durant la pandémie, est une première au Nouveau-Brunswick. D’autres provinces, telles que l’Ontario, ont fait de même.

En Alberta, la directrice générale du Conseil scolaire du Centre-Est, Dolorèse Nolette, le confirme : recruter des enseignants relève d’un véritable chemin de croix que parcourent déjà les conseils scolaires depuis plusieurs années. 

« La banque de suppléants pendant la COVID-19 est insuffisante, relève-t-elle. Parfois, ceux qui se trouvent sur les listes plus fournies d’autres régions ne veulent pas se déplacer à cause de la distance. »

L’ère de la « technopédagogie »

L’enjeu du manque de main-d’œuvre s’accroit davantage lorsque, par ces temps d’apprentissage à distance, il devient crucial de recruter des personnes compétentes pour maitriser la technologie, devenue la clé pour enseigner. 

« Bien entendu, nous ne pouvons pas faire de la technologie un critère de recrutement, alors qu’il est déjà compliqué d’embaucher en temps normal… », souligne Monique Boudreau.

Nombre d’enseignants ont encore besoin de techniciens pour les aider à passer à travers les innombrables bogues techniques et autres pertes de temps engendrées par le virage numérique. Dans ce contexte, la «technopédagogie» est devenue le maitre-mot cette année, certains conseils scolaires allant jusqu’à embaucher des « agents pédagogiques ». 

Ces personnes sont formées pour aider tout le personnel scolaire à se servir des plateformes, mais ils appuient surtout les enseignants pour adapter leur matière au numérique.

Dans certaines provinces, les professeurs doivent simultanément l’enseignement à la fois en ligne et en classe. C’est notamment le cas au Nouveau-Brunswick. 

Cette situation de cours « hybrides » est souvent épuisante pour les enseignants concernés. Que ce soit derrière les masques en classe ou derrière les écrans, il est plus complexe pour un enseignant de répondre aux besoins individuels des élèves. Sur le plan numérique, c’est même impossible, selon les échos des professeurs parvenus à Monique Boudreau.

Et c’est sans compter d’autres changements à la routine de l’enseignement dont l’intégration de la pédagogie inversée, où l’élève apprend de façon autonome et met son apprentissage en pratique pendant les cours ; de la mise en place d’outils fonctionnels, comme les micros, hautparleurs et caméras ; de l’adaptation à différentes plateformes… Tout cela demande du temps aux enseignants qui doivent apprendre la gestion des plateformes avant de l’expliquer aux élèves.

« C’est une chose d’être compétent pour maitriser la technologie, c’en est une autre lorsqu’il faut manipuler des plateformes de cours ou de messageries spéciales mises en place pendant la pandémie », observe la directrice du RNDGE. 

Ces contextes, aussi difficiles pour les enseignants que pour les élèves, existent aussi de l’autre côté du pays, comme en Alberta. Au Centre scolaire Centre-Est, Dolorèse Nolette explique que des professeurs ont dû suivre une formation et en suivent encore pour être à jour. 

Une assistance qui devra perdurer, selon les deux femmes.

« Cette pandémie force tout le monde à développer de nouvelles compétences », lance Monique Boudreau. 

Les traces durables des technologies dans le système éducatif

Monique Boudreau assure que « le moins que l’on puisse offrir à nos enseignants est un accompagnement continu ». La directrice du RNDGE est certaine que les écoles virtuelles, déjà florissantes avant la pandémie, vont se multiplier pour regrouper des élèves de différentes régions autour d’une même option de cours, par exemple. Au-delà de ces initiatives préexistantes à la pandémie, Réginald Roy, président de la Fédération des conseils scolaires francophones de l’Alberta (FCSFA) explique qu’il faudrait également recenser les diplômés en enseignement par province, pour ensuite déterminer quels postes sont à combler plus facilement.  

Réginald Roy constate qu’il faut miser en grande partie sur la future génération de professeurs. Dans ce but, valoriser le métier est un prochain défi, auquel la Fédération canadienne des enseignants s’est déjà attelée, à travers la campagne « Enseigner, ça me parle », lancée le 19 octobre dernier.