Par Raymond CLÉMENT

Dans un rapport publié en juin 2020, l’OCDE (1) a calculé que le produit intérieur brut (PIB) mondial va décroître de 7,6 % en 2020 et ainsi provoquer un taux chômage de 10 %. À noter que les pays occidentaux vont connaître une baisse plus importante : l’Europe de 11,5 % et les États-Unis de 8,5 %. Tandis que les pays non-OCDE devraient enregistrer une baisse de 6.1 %. La croissance du PIB mondial en 2019 avait été de 2,7 % et le taux de chômage se situait à 5,4 %.

Durant les années 1930, alors que la crise financière sévissait sur la planète entière, John Maynard Keynes, un économiste de Cambridge en Angleterre, a voulu présenter une alternative au marché libre, comme le concevait alors la pensée économique classique.

Keynes faisait valoir que la demande globale détermine l’activité économique entière et qu’une faiblesse dans la demande globale conduisait à une hausse du chômage.

Fort de cette analyse, l’économiste a proposé une combinaison de politiques monétaire et fiscale pour contrer les effets néfastes des récessions et des dépressions.

Keynes n’était pas absolument contre le capitalisme. Il lui attribuait toute fois deux grandes faiblesses : l’économie pouvait connaître des hauts et des bas et avait aussi une forte tendance à distribuer les revenus et les profits de façon inégalitaire.

Depuis une quarantaine d’années, le capitalisme connaît un autre problème : la financiarisation. Ce développement se produit lorsque le ratio dette/équité augmente ; ou bien que les services financiers représentent la plus grosse partie du PIB. En d’autres mots, le système financier devient davantage le maître au lieu d’être le serviteur de l’économie.

Or la financiarisation de l’économie vient de s’aggraver : la pandémie et les pertes d’emploi ont obligé les gouvernements à injecter d’énormes sommes d’argent dans l’économie alors que les économies du monde connaissent une diminution de la demande globale due aux faibles augmentations des revenus. Lawrence Summer, un ancien directeur au Fonds monétaire international, appelle cette période la stagnation séculaire, causée entre autres par le vieillissement de la population et la baisse de la productivité.

Après la Seconde Guerre mondiale, le plan Marshall a été adopté pour relancer les économies de l’Europe. À ce moment-là, les États-Unis connaissaient un excédent budgétaire. Ces sommes excédentaires ont été utilisées pour financer le plan. Les États-Unis se sont retrouvés doublement gagnants en devenant le financier et le manufacturier des pays de l’Europe occidentale.

Mais en 1971, les États-Unis étaient devenus un pays déficitaire, situation due en partie au coût élevé de la guerre menée au Vietnam. Si bien que les accords de Bretton-Woods, développés par Keynes à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont été abandonnés par le président Nixon. Et pas longtemps après, le modèle et la pensée keynésienne sont devenus désuets avec l’arrivée de la stagflation, mot qui traduit un problème grave : stagnation de l’économie et inflation indésirée.

L’état de l’économie mondiale exige un nouveau plan Marshall. Selon l’économiste français Jacques Attali, il faut investir davantage dans l’économie de la vie et délaisser de plus en plus les secteurs de l’économie ancienne bâtie sur le pétrole, l’automobile, etc. Pour lui, les secteurs de l’économie de la vie sont la santé, l’hygiène, l’éducation, l’agriculture, l’alimentation, l’énergie renouvelable, le numérique, la recherche, le recyclable, le logement, etc.

Problème de financiarisation ou pas, il ne faut pas craindre l’augmentation de la dette en ce moment parce qu’introduire des mesures d’austérité après la fin de la pandémie ne ferait que prolonger, voire accentuer la crise économique. Il faudra relancer l’activité économique en s’appuyant sur les secteurs identifiés par Jacques Attali afin d’échapper à la dépression et par-dessus tout à assurer la survie de notre humanité.


(1) L’OCDE est l’Organisation de coopération et de développement économiques. Cette organisation internationale regroupe des pays qui ont en commun un système de gouvernement démocratique et une économie de marché.