Par Michel LAGACÉ
Pour la première fois depuis qu’il est devenu Premier ministre en avril 2016, Brian Pallister se trouve maintenant en deuxième place dans un sondage, derrière le Nouveau parti démocratique. Cherchant à redorer son image et à « renouveler le gouvernement », il vient d’ajouter trois députés dont la première femme noire au conseil des ministres, d’en muter six et d’en laisser huit en place.
Apparent bouc émissaire de la perte de popularité du gouvernement, Cameron Friesen n’est plus le ministre de la Santé. Quant au ministre de l’Éducation, Kelvin Goertzen, chargé de piloter une transformation du système d’éducation publique, il n’avait pas encore effectué le moindre changement. Et le voilà maintenant disparu dans les limbes d’un nouveau ministère dont les vagues fonctions sont essentiellement internes au gouvernement.
Six des 18 ministres sont des femmes, et deux d’entre elles ont été mutées. Heather Stefanson a été ministre de la Justice puis des Familles et elle devient maintenant ministre de la Santé. Elle acquiert ainsi un véritable profil public. Et si elle s’acquitte bien de ses lourdes responsabilités, elle pourrait être en très bonne position pour succéder un jour à son chef. Rochelle Squires, par contre, pourrait bien se demander quelles sont les intentions du Premier ministre à son égard. Elle assume maintenant la direction de l’exigeant ministère des Familles, son quatrième portefeuille en moins de cinq ans. Généralement bien vue comme ministre, elle a rarement eu l’occasion de faire sa marque avant d’être mutée, et son patron semble signaler qu’il ne la voit pas comme son successeur potentiel.
Pour cause de pandémie, M. Pallister ne peut plus espérer laisser sa marque comme celui qui a jugulé le déficit, comme il l’avait tant souhaité à son arrivée au pouvoir. En ces temps d’exception qui exigent du leadership, et au-delà de l’ajustement superficiel d’un remaniement, quelle perspective d’avenir peut-il encore vouloir laisser aux Manitobains alors qu’il laisse entendre qu’il ne terminera pas son mandat?
Dès 2019, il accordait tant d’importance au 150e anniversaire du Manitoba qu’il a précipité des élections à l’automne de cette année-là, question de ne pas perturber les festivités avec une élection normalement prévue en 2020. Qu’en sera-t-il de ce jalon historique maintenant remis à 2021? Un concert au mois d’août et peut-être un feu d’artifice ou deux? Lors du remaniement ministériel, il n’en a même pas fait mention.
Pourtant, si Brian Pallister parvenait à dépasser ses préoccupations immédiates certes lourdes, il pourrait profiter de cette deuxième chance de marquer l’anniversaire du Manitoba pour puiser dans l’esprit de 1870, lorsque les habitants de cette région ont mis de côté leurs différences d’origine, de langue et de religion pour s’entendre sur l’avenir qu’ils voulaient forger ensemble. Il pourrait travailler à mieux réconcilier le Manitoba avec lui-même, avec le peuple métis qui l’a fondé et avec les Premières Nations qui ont été marginalisées, sans oublier la population francophone qu’on a voulu assimiler.
Ainsi son vrai legs pourrait être de nous préparer à reprendre confiance en nous proposant une vision d’une société plus unie lorsque la pandémie sera définitivement passée à l’histoire.