Par Michel LAGACÉ
Les deux premiers gouverneurs généraux d’origine canadienne, Vincent Massey et Georges Vanier, ont été d’excellents exemples d’hommes qui ont représenté le Canada honorablement, imbus du sens du devoir et du rôle symbolique qu’ils avaient été appelés à exercer.
Si le rôle de gouverneur général du Canada se limitait à couper des rubans et à distribuer des médailles, le pseudo-drame entourant la démission de Julie Payette ne serait qu’une distraction banale. Son passage à Rideau Hall nous rappelle cependant qu’il est essentiel de gérer le personnel avec respect. Et, plus profondément, il a démontré l’importance de respecter l’image et la réputation de la fonction qu’elle occupait, celui de chef d’État et de commandant des forces armées du Canada.
Julie Payette devait surtout représenter la reine Élizabeth II qui, elle, symbolise la souveraineté du Canada. Elle était donc appelée à transcender les allées et les venues des gouvernements qui se succèdent au gré des élections. Et, dans le contexte d’un gouvernement minoritaire, elle devait s’assurer que le gouvernement jouisse de la confiance du Parlement.
Pour bien des Canadiens, une souveraineté incarnée par une monarchie lointaine n’a plus sa place au pays. Cependant, le Canada demeure lent à assumer tous les attributs de sa pleine souveraineté. Il lui a fallu 98 ans et un débat houleux pour adopter son drapeau en 1965, et 113 ans pour adopter son hymne national, un hymne originalement commandité pour la Société Saint-Jean-Baptiste en 1880. Il a fallu attendre 85 ans avant qu’un premier Canadien, Vincent Massey, ne soit nommé gouverneur général en 1952. Et pour espérer rompre définitivement l’ultime lien colonial, il faudra une quasi impossible entente unanime entre les provinces et le fédéral pour changer le système actuel.
Julie Payette demeure entièrement responsable de la conduite déshonorable qui a mené à sa démission. Mais Justin Trudeau doit porter l’odieux d’avoir mis en marche les événements qui ont mené à la présente situation. À l’instar de quelques-uns de ses prédécesseurs, il a choisi une vedette dont les accomplissements remarquables comme astronaute ne correspondaient en rien aux exigences du poste. Il aurait mieux fait de choisir une personne convaincue du rôle hautement symbolique mais nécessaire à l’édifice institutionnel du pays. Et Julie Payette n’a pas compris que chaque geste devient symbole quand on est gouverneure générale.
Force est de douter du manque de sérieux de la conception de l’État que se fait Justin Trudeau. Il faut au Canada une figure de proue, une personne convaincue de l’importance de la fonction et capable de transcender les péripéties de la vie politique de tous les jours. Bref, quelqu’un qui comprend intimement l’honorable exigence de la magnifique maxime : Noblesse oblige.