Par Michel LAGACÉ

Les espoirs étaient vraiment grands en 2016 lorsque l’Assemblée législative du Manitoba adoptait à l’unanimité le projet de Loi 5, la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine. Les services en français, osait-on croire, seraient désormais protégés par une loi provinciale historique dans sa nature.

Car, en adoptant la Loi 5, le gouvernement du Manitoba s’engageait plus que moralement; il s’engageait légalement à protéger et à encourager l’offre active de services en français. Et, comme garant de son engagement, il établissait le Conseil consultatif des affaires francophones (1). On imaginait alors en toute logique que les ministères et les organismes provinciaux consulteraient des représentants de la francophonie avant d’adopter des mesures qui pourraient l’affecter. Le Conseil consultatif, ayant en principe un mandat très large, pourrait fournir des conseils et des recommandations au sujet de toute question qui serait abordée « à la demande du ministre » responsable des Affaires francophones.

De toute évidence, la ministre, en l’occurrence Rochelle Squires, n’est pas très demandeuse. Et il est loin d’être certain qu’elle soit consultée avant qu’un ministre n’annonce des changements qui affectent la francophonie. Depuis l’adoption de la Loi, le gouvernement a pris des mesures, sans consultation préalable, qui vont à l’encontre de l’épanouissement de la francophonie manitobaine. Le plus récent exemple : au début de cette année, Agriculture et Développement des ressources Manitoba (ne cherchez pas la version française de la page de ce ministère à l’internet!) annonçait que 21 de ses 38 bureaux locaux allaient être fermés à partir d’avril. Or deux de ces bureaux, situés à Saint-Pierre-Jolys et à Somerset, sont désignés bilingues tandis que celui de Sainte-Rose-du-Lac comprend des postes bilingues.

Ni les municipalités, ni les agriculteurs ni l’Association des municipalités bilingues du Manitoba n’ont été consultés. Et manifestement, personne n’a songé à saisir le Conseil consultatif sur ce dossier pendant que le ministère planifiait ces fermetures.

Cette attitude cavalière par rapport au Conseil consultatif rappelle l’affaire de l’abolition du poste de sous-ministre adjoint du Bureau de l’éducation française du ministère de l’Éducation, une autre décision prise sans consultation. Toutes les tentatives de faire entendre raison au gouvernement sont restées infructueuses : il n’y a plus de sous-ministre adjoint francophone responsable de l’instruction en français au Manitoba. Et rappelons aussi la décision prise tout aussi unilatéralement de réduire le nombre de traducteurs à l’emploi de la Province. Le Comité consultatif créé pour institutionnaliser une pratique qui avait déjà cours ne s’avère donc qu’un écran de fumée. Pour réagir à cette situation déplorable, il est impératif que la Société de la francophonie manitobaine effectue et publie sa propre évaluation du fonctionnement de la Loi et en particulier du Comité consultatif au cours des derniers cinq ans.

Il est grand temps de reconnaître que, sans l’impulsion du Premier ministre, Brian Pallister, et de ses ministres, la Province du Manitoba ne réussira jamais à établir une atmosphère favorable à l’épanouissement de la francophonie manitobaine. Les actions du gouvernement provincial ne reflètent pas la lettre et encore moins l’esprit de la Loi. Le risque est que la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine devienne lettre morte à force de ne pas honorer les engagements formulés par l’Assemblée législative.


(1) Ce Conseil est formé du greffier du Conseil exécutif et d’au moins cinq sous-ministres ou leurs délégués, du président-directeur général ou du président du conseil d’administration de la Société de la francophonie manitobaine et d’au moins cinq membres de la francophonie manitobaine.