Par Michel Lagacé

 

De récentes actions du Premier ministre du Manitoba, Brian Pallister, mettent en relief sa conception douteuse de notre démocratie parlementaire. Douteuse et même inquiétante. Au point où la semaine dernière, dans un geste sans précédent, cinq anciens élus manitobains issus de trois différents partis, Shelly Glover, Lloyd Axworthy, Bill Blaikie, Judy Wasylicia-Leis et Charles Huband, ainsi que le professeur émérite de sciences politiques, Paul Thomas, ont publié une lettre ouverte pour dénoncer son comportement inadmissible et les tactiques parlementaires de l’opposition.

Ce que les six signataires dénoncent, c’est l’adoption en première lecture de 19 projets de loi qui ont été déposés avec leurs simples titres, sans texte d’accompagnement décrivant leurs objectifs et leur contenu. Quatre mois plus tard, les textes des projets n’étaient toujours pas connus.

Le comportement du gouvernement est sans précédent et il va à l’encontre d’une exigence fondamentale du fonctionnement de notre système démocratique. Car il incombe au gouvernement d’offrir à l’opposition, aux groupes d’intervenants et au public une occasion de comprendre et de réagir à ses propositions.

Dans un autre geste politiquement douteux, Brian Pallister a annoncé son intention de réformer la loi sur les référendums provinciaux. Il voudrait permettre une consultation de la population sur toute décision importante concernant Manitoba Hydro, une société de la Couronne. Cette proposition survient alors que l’opposition soupçonne le gouvernement de vouloir vendre les activités de Manitoba Hydro dans le domaine du gaz naturel. La récente suppression de Manitoba Hydro International, une de ses filiales, alimente ces soupçons.

À première vue, la tenue d’un référendum peut sembler une démarche souhaitable puisqu’elle encourage la participation des citoyens aux destinées de la province. Cependant, la conséquence, c’est de remettre le pouvoir de décision dans les mains d’un public relativement peu informé. Et donc vulnérable à des campagnes de désinformation et à la manipulation.

Bien plus, un gouvernement peut utiliser un référendum pour des raisons purement tactiques, afin d’éviter de prendre des décisions difficiles, ou d’obscurcir des divisions profondes dans ses rangs, ou encore de manipuler la population pour obtenir le résultat qu’il désire.

Brian Pallister devrait se rappeler qu’il a été élu pour exercer son meilleur jugement dans la prise de décisions. C’est donc son devoir de proposer ouvertement ce que son gouvernement veut faire. Et c’est ensuite à l’ensemble des députés de se prononcer. Et l’électorat aura à juger des décisions des législateurs quand viendra le temps des élections, le référendum par excellence dans une démocratie.