Par Michel LAGACÉ
La Ville de Winnipeg exige normalement que les citoyens qui veulent s’adresser en français au conseil ou à ses comités l’avertissent d’avance pour que des services d’interprétation soient disponibles. Ce qui a été fait le 15 mars lorsque quelques francophones ont voulu exposer leur point de vue au Comité d’orientation permanent des biens et de l’aménagement, du patrimoine et du développement du centre-ville.
Il s’agit du même Comité qui, le 12 février, avait mandaté, par un vote de trois contre un, l’administrateur en chef de la Ville de négocier exclusivement avec Manitoba Possible la vente de propriétés publiques qui comprennent le site de l’ancien hôtel de ville de Saint-Boniface situé au 219, boulevard Provencher. Les intervenants francophones voulaient appuyer la proposition de retirer cet édifice des négociations.
À leur grande surprise, la conseillère Janice Lukes leur a suggéré de parler en anglais. Son raisonnement? Il semblerait qu’aucun service d’interprétation ne soit disponible avec la webdiffusion des réunions du conseil et de ses comités sur YouTube. Par contre, il s’agit-là de la seule manière dont disposent les citoyens pour prendre connaissance de leurs délibérations durant la pandémie.
Ainsi, tout contribuable ou journaliste anglophone qui aurait voulu comprendre les enjeux tels que perçus et exprimés par ses concitoyens francophones n’avait pas le droit d’entendre les points de vue exposés le 15 mars. Bref, les francophones ont le droit de s’exprimer en français, mais pas d’être compris. Et s’ils ne comprennent pas l’anglais, ils n’ont pas droit à un service d’interprétation anglais-français pour comprendre les conseillers.
Il est pourtant fondamental dans une démocratie que les citoyens puissent se comprendre lorsqu’ils débattent d’une question publique. La cohésion d’une société en dépend. Par quel autre moyen peut-on espérer que les deux groupes linguistiques s’entendent? Les francophones ont le droit d’être entendus et compris par leurs concitoyens anglophones qui, eux, ont également le droit de savoir ce qui est dit, dans un forum public, aux conseillers qui prennent des décisions qui les affectent.
L’histoire du Manitoba a trop souvent démontré que l’absence de dialogue ouvre la voie à l’ignorance, aux préjugés et aux conflits. Or le comportement du Comité le 15 mars a démontré encore une fois que certains conseillers peinent à valoriser notre patrimoine et à assumer leur responsabilité de renforcer la cohésion sociale de la Ville. La suggestion insensible de Janice Lukes voudrait dire que les francophones doivent se retirer de la place publique ou ne s’exprimer qu’en anglais.
Toute personne qui tient à ce que le français soit utilisé et compris sur la place publique est invitée à formuler une plainte à la direction des Services en français de la Ville de Winnipeg au [email protected]. Notre capacité de participer à la vie civique et d’assurer la cohésion sociale chez nous en dépend.