Par Michel LAGACÉ
Qui aurait pu s’attendre à ce que le gouvernement provincial propose une réduction importante d’impôts en plein milieu d’une pandémie, après avoir enregistré un déficit record de 2,1 milliards $ en 2020-2021? C’est pourtant ce que le ministre des Finances du Manitoba, Scott Fielding, a annoncé la semaine dernière en dévoilant le budget pour l’année 2021-2022, qui prévoit des recettes de 17,838 millions $ et des dépenses de 19,435 millions $, ce qui laisse un déficit de 1,597 million $.
Malgré ce sombre bilan financier, 658 000 propriétaires de propriétés résidentielles et agricoles recevront un remboursement d’environ 248 millions $ de la taxe foncière pour l’éducation. Cette réduction est d’autant plus surprenante que, durant la campagne électorale de 2019, le Premier ministre, Brian Pallister, avait seulement proposé de commencer l’élimination des taxes scolaires sur les propriétés au cours des deux dernières années de son mandat et de l’achever sur 10 ans. Il propose maintenant de devancer sa promesse en éliminant 25 % de ces taxes cette année et un autre 25 % l’année prochaine.
Aucune logique financière ne peut expliquer cet empressement de réduire les impôts fonciers à ce rythme : le gouvernement n’a tout simplement pas d’argent pour se permettre cette mesure. Et il va à l’encontre de ses propres principes de prudence fiscale qui ont contribué à sa victoire en 2016.
Le Premier ministre a déjà démontré qu’il n’hésitait pas à contrevenir à ses propres principes. Ainsi, en 2019-2020, il aurait pu presque éliminer le déficit estimé à 360 millions $, quitte à réduire la taxe de ventes au détail de 8 % à 7 % l’année suivante, comme il avait promis durant la campagne électorale de 2016. Mais non. Pour de simples motifs électoralistes, il a choisi de réduire la taxe un an plus tôt que nécessaire et de précipiter des élections en septembre 2019, au lieu d’attendre à octobre 2020 comme le prévoyait la Loi électorale. Le gouvernement a donc dû emprunter les 300 millions $ auxquels il a choisi de renoncer.
Maintenant, où trouver l’explication de la plus récente décision de M. Pallister, puisqu’il n’est pas en campagne électorale? Force est de se rendre compte qu’il réagit à l’importante baisse de sa popularité au cours des derniers mois, au point que le Nouveau Parti démocratique le dépasse dans les sondages pour la première fois depuis l’élection de 2016.
Le calcul de M. Pallister pour redorer son image risque plutôt de déplaire à tous les Manitobains qui s’attendent à une gestion saine et responsable des finances publiques. Car emprunter pour financer une réduction d’impôts n’est pas conforme aux principes du conservatisme. Et si cet ancien député fédéral de l’Alliance canadienne puis du Parti conservateur a déjà cru à des principes conservateurs, il semble les avoir oubliés en cours de route.
Puisqu’il ne fait pas grand cas de ses principes et qu’il s’est classé deuxième dans les sondages, M. Pallister semble reconnaître qu’il est arrivé à la fin du parcours qui l’a mené au pouvoir en 2016. Il ne lui reste plus qu’à annoncer son départ de la vie publique.