Par Michel Lagacé
Depuis des décennies, la conclusion est sans équivoque : des niveaux élevés de pauvreté produisent de mauvais résultats scolaires. Et depuis des décennies, le Manitoba affiche le taux de pauvreté infantile le plus élevé au Canada. De plus, le taux de pauvreté est encore plus élevé chez les enfants autochtones.
Il aurait donc été normal, voire urgent, que le projet de loi 64, intitulé Loi sur la modernisation de l’éducation, s’attaque à cet enjeu social fondamental et déterminant pour l’avenir du Manitoba. Or il ignore cette réalité pourtant incontournable. Au nom de l’idée douteuse que les changements qu’il propose vont permettre de réaliser des économies importantes, le projet de loi se borne à restructurer la gouvernance du système d’éducation pour concentrer plus de pouvoir dans les mains du ministre de l’Éducation.
La restructuration consiste à remplacer les 37 commissions scolaires anglophones par une Autorité provinciale dont les membres sont nommés par le ministre. Les divisions scolaires sont regroupées en 15 régions de recrutement. 37 « surintendants » sont remplacés par 15 directeurs de l’éducation nommés par le gouvernement. Les parents sont représentés dans un Conseil consultatif de l’éducation. Et tous les enseignants deviennent des employés de l’Autorité.
Il faudra surveiller de près les implications du projet de loi pour la commission scolaire francophone et les programmes d’immersion. La commission continuera d’être composée de commissaires élus. Un des commissaires rejoindrait 15 représentants des parents au Conseil consultatif de l’éducation. Mais là semble s’arrêter tout mécanisme officiel de communication entre la nouvelle Autorité provinciale et la commission scolaire francophone.
Il faudra sûrement établir des liens de collaboration plus sérieux entre la commission et la nouvelle Autorité, puisque le projet de loi ne prévoit aucune place pour les élèves des programmes d’immersion. Or un certain nombre de ces élèves font partie de la francophonie manitobaine. D’autres aspirent à connaître les deux langues officielles du pays et certains pourraient se diriger vers des études en français dans la division scolaire francophone ou encore à l’Université de Saint-Boniface ou ailleurs au pays.
La majorité des élèves en immersion – les trois quarts – est concentrée dans la capitale manitobaine. Cependant, les chances que le seul représentant de cette région au Conseil consultatif soit un parent d’immersion française sont minimes. Tout simplement parce que les élèves en immersion constituent moins de 15 % des élèves dans cette région. De nombreuses autres propositions dans le projet de loi 64 méritent un examen approfondi puisqu’il présente un changement radical dans la gouvernance de l’éducation au Manitoba.
Mais plus fondamentalement encore, les Manitobaines et les Manitobains devront repenser le rôle du gouvernement provincial dans la lutte contre la pauvreté pour assurer l’amélioration des résultats scolaires des élèves. Car l’abolition des divisions scolaires anglophones et la création de nouvelles structures directement redevables au ministre de l’Éducation n’y arriveront pas.