Par Michel Lagacé

 

Il n’y a pas pire Canadien que celui qui ne veut pas voir ni entendre. S’il est une surprise qui a suivi la découverte de 215 corps d’enfants enterrés près d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops, c’est l’expression d’étonnement et de choc de la part des Canadiens. La découverte ne devrait pas surprendre, quoique le nombre élevé de victimes étonne.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation a rappelé que, pour la plus grande partie de l’histoire canadienne, le pays a eu comme objectifs d’éliminer les gouvernements autochtones et d’assimiler les peuples pour prendre possession de leurs terres et de leurs ressources. Le système de pensionnats en a été un élément central. Et l’histoire des pensionnats a été enterrée jusqu’à ce que de courageux survivants affrontent le gouvernement fédéral devant les tribunaux.

Si le Canada a séparé de force les enfants de leurs parents en les envoyant dans des pensionnats, il ne l’a pas fait « dans le but de leur offrir une éducation, mais essentiellement pour briser le lien avec leur culture et leur identité », déclare le rapport final de la Commission (1).

Des milliers d’hommes et de femmes ont travaillé dans des pensionnats qui ont reçu, au cours de plus d’un siècle, au moins 150 000 élèves dans un réseau d’au moins 139 pensionnats. On ne peut pas prétendre qu’il s’agisse d’un accident de parcours et que personne ne savait ce qui s’y passait.

La Commission a identifié plus de 4 000 enfants enterrés anonymement, sachant qu’il y en avait encore beaucoup d’autres éparpillés à travers le pays. Au lendemain de l’annonce provenant de Kamloops la semaine dernière, le juge Murray Sinclair, l’ancien président de la Commission, a affirmé que beaucoup d’autres cimetières seraient trouvés. Et il a rappelé que, lorsque la Commission a pris connaissance de ces cimetières, elle avait demandé un budget supplémentaire pour poursuivre des recherches, mais le gouvernement Harper avait rejeté sa demande. Il fallait surtout continuer d’étouffer la vérité.

Le juge a aussi rappelé des témoignages voulant que des enfants nés de relations entre prêtres et jeunes filles placées sous leur responsabilité aient été tués à la naissance. Serons-nous surpris d’en apprendre davantage? D’innocents Canadiens seront-ils encore indignés, alors que persistent les attitudes racistes et paternalistes qui ont présidé à ce passé honteux?

Le véritable drame de l’histoire du pays, c’est l’extraordinaire arrogance du conquérant qui, convaincu de sa supériorité, a tenté de détruire les peuples qui l’ont accueilli.

Nous ne pouvons pas changer le passé, mais nous pouvons prendre la pleine mesure de l’ampleur de notre responsabilité collective et historique. Nous pouvons surtout mettre fin au déni pour être en mesure de passer à l’action avec sincérité.

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(1) Commission de vérité et réconciliation du Canada, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, 2015, page 2 de votre journal du 9 juin.