Par Michel Lagacé

 

Reconnaissons-le franchement : l’histoire dont on a hérité n’a pas de sens. Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation de 2015 et les récentes annonces que des centaines de tombes anonymes près de pensionnats autochtones avaient été identifiées nous obligent à repenser l’histoire du Canada qui nous a été racontée.

Le récit traditionnel voudrait que le Manitoba ait été créé à la suite d’une « rébellion » des Métis sous la direction de Louis Riel. Or la souveraineté sur le territoire du Nord-Ouest appartenait aux Métis et aux Premières Nations qui y habitaient bien avant l’arrivée des colonisateurs britanniques. Ce n’est surtout pas une compagnie de fourrure, la Compagnie de la Baie d’Hudson, qui pouvait prétendre exercer la souveraineté sur le Nord-Ouest du continent. Tout au plus pouvait-elle s’arroger un droit de propriété selon les conventions qui avaient alors cours en Europe.

Pourtant, c’est au nom de son droit de propriété que la Compagnie a accepté de vendre tout le Nord-Ouest au gouvernement de la Grande- Bretagne, qui allait le transférer à sa colonie, le tout nouveau Canada, le 1er décembre 1869. Le gouverneur désigné du territoire, William McDougall, a alors proclamé que le transfert avait été conclu.

Malheureusement pour lui, il ignorait que le Premier ministre John A. Macdonald avait informé la Grande-Bretagne qu’il retarderait le transfert du territoire jusqu’à ce que les « troubles » à la Rivière-Rouge se soient apaisés. Dans une lettre envoyée trop tard, il avait donné instruction à McDougall de ne pas émettre la proclamation, expliquant que, lorsqu’une région est sans gouvernement, les résidents ont le droit reconnu de s’organiser pour se gouverner.

Puisque le Nord-Ouest ne faisait pas encore partie du Canada, McDougall était incapable d’assumer les fonctions de gouverneur. Les résidents étaient d’autant plus justifiés de former un gouvernement dont la souveraineté leur revenait de fait et de droit.

On a aussi prétendu que l’expédition militaire dirigée par Garnet Wolseley serait arrivée au fort Garry le 24 août 1870 pour mettre fin au « soulèvement ». Or l’Assemblée législative d’Assiniboia, démocratiquement élue par les résidents, avait déjà ratifié la Loi sur le Manitoba le 24 juin et la paix régnait. La véritable raison de l’envoi d’une force armée à la nouvelle province du Manitoba était de nier la souveraineté déjà en place pour imposer celle du Canada colonisateur.

La « rébellion » qui n’a jamais eu lieu et l’intervention des troupes de Wolseley ont permis au Canada de coloniser le Nord-Ouest et d’usurper la véritable souveraineté aux Premières Nations et aux Métis. C’est ainsi qu’on a agi pour justifier l’élimination des gouvernements autochtones dans l’Ouest canadien et l’assimilation des peuples qui y vivaient. Et c’est là qu’on retrouve les origines des pensionnats autochtones dont on voit encore aujourd’hui les effets dévastateurs.

Reconnaître ces évènements pour ce qu’ils sont nous oblige à contester la trame narrative héritée du passé. Loin d’effacer l’histoire, nous devons en faire une relecture et l’utiliser pour façonner notre avenir commun.