Par Michel LAGACÉ

Il est impensable qu’il n’y ait pas de débat télévisé durant une campagne électorale, et les médias ont la lourde responsabilité de participer à cette pratique depuis longtemps. Durant la récente campagne électorale, les chefs des principaux partis se sont livrés à quatre heures de débats nationaux télévisés en français, et à deux heures en anglais.

Les francophones hors Québec auraient pu espérer recevoir au moins un bref aperçu des points de vue des différents partis sur les enjeux qui les préoccupaient. À ce compte-là, ils auraient eu raison d’être déçus.

Le premier débat de deux heures à TVA a été entièrement axé sur le Québec. Le deuxième, organisé par le Groupe de diffusion des débats, a carrément passé à côté du sujet. Au point où l’animateur, Patrice Roy, s’est couvert de ridicule quand, dans les deux dernières minutes du débat, il a accordé à chacun des cinq chefs de parti 20 secondes pour s’exprimer sur la francophonie hors Québec.

Quant au seul débat en anglais, l’ironie c’est que Yves-François Blanchet du Bloc québécois a voulu parler des francophones hors Québec. Toutefois, l’animatrice Shachi Kurl lui a coupé la parole, prétextant que ce n’était pas le moment d’en parler. Un moment qui n’est jamais venu.

Il a donc fallu attendre cinq jours avant les élections pour avoir droit à un débat d’une heure sur les enjeux francophones. Cinq députés québécois de deuxième rang se sont alors livrés à un débat destiné principalement aux Québécois. À les entendre, on aurait pu croire que la modernisation de la Loi sur les langues officielles était le principal enjeu pour les francophones hors Québec. Or l’environnement, la santé, l’emploi, l’immigration, la culture, l’éducation de la petite enfance au post-secondaire, et la pénurie d’enseignants sont des questions qui les intéressent au plus haut point.

Mais il y a plus grave : la majorité anglophone de la population a été exclue de toute discussion de l’avenir du français au Canada. Elle demeure libre de penser que la francophonie se résume à un conflit de juridiction entre le gouvernement fédéral et celui du Québec.

Il s’agit d’une occasion manquée : il aurait été et il reste toujours primordial de sensibiliser l’ensemble de la population aux enjeux qui touchent la francophonie. Le grand échec de ces débats, c’est que les médias tant francophones qu’anglophones n’ont pas pris leur responsabilité au sérieux.

Les médias ont renforcé la perception que le français, c’est l’affaire du Québec seulement, tandis que, pour le reste du Canada, les sujets d’actualité brûlants se discutent en anglais. Ils ont perpétué un dialogue de sourds. Et ils ont raté une rare occasion pour les Canadiens de se parler et de mieux saisir la dualité linguistique, une caractéristique fondamentale du Canada d’hier, d’aujourd’hui et de demain.