«Enlève d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour enlever la paille de l’œil de ton frère. » Ce sage conseil que l’on retrouve dans les évangiles de Matthieu et de Luc s’adresse à toute personne qui remarque les défauts d’autrui sans jamais voir les siens. Le Conseil de Ville de Winnipeg aurait dû le suivre lorsqu’il a exprimé son opposition à la Loi sur la laïcité de l’État adoptée en 2019 par l’Assemblée nationale du Québec. Cette Loi 21 interdit le port de signes religieux à certaines personnes en position d’autorité, y compris au personnel enseignant des écoles publiques.

Récemment, en conformité avec cette Loi, un directeur d’école à Chelsea au Québec a informé une enseignante du primaire qu’elle devait assumer un poste à l’extérieur de la salle de classe parce qu’elle portait un hijab. Le Conseil de Ville de Winnipeg a unanimement réitéré son opposition à pareil geste.

En proposant que la Ville verse 100 000 $ pour contester la Loi 21, le maire, Brian Bowman, affirmait que bon nombre de groupes qui sont directement touchés par cette Loi font face à la discrimination ailleurs, y compris à Winnipeg. Puis ne pouvant trouver
100 000 $ dans le budget, le conseil a décidé que ses membres pouvaient choisir de soutenir financièrement la contestation judiciaire à partir des fonds publics discrétionnaires dont ils disposent.

Le maire de Winnipeg, avocat de profession, n’a pas expliqué sérieusement pourquoi il voulait dépenser même 20 000$ pour contester une loi provinciale du Québec. Ni sur quels principes juridiques il comptait s’appuyer, étant donné que le Québec a provisoirement mis sa Loi à l’abri de la Charte canadienne des droits et libertés en invoquant la clause dérogatoire.

Ceci précisé, le maire et le conseil seraient bien avisés d’affronter la discrimination qui se trouve dans leur propre ville. Car, peu importe leur opinion sur une loi québécoise, ils sont responsables du bien-être des résidents de Winnipeg et n’ont aucun mandat de s’ingérer dans les décisions d’une province dont ils ne sont même pas résidents.

Avant même la fin de son mandat, le maire Bowman se dit fier de sa contribution à la réconciliation avec la population autochtone de la ville. Pourtant, ses efforts se résument à l’adoption d’une politique, Redécouvrir Winnipeg, qui propose une marche à suivre pour changer les noms de lieux afin de refléter les contributions autochtones à la ville, et à une liste de principes généraux connus sous le nom de Winnipeg’s Indigenous Accord.

Le maire et le Conseil, pour agir en toute cohérence, feraient bien de s’occuper de leurs oignons en combattant activement la discrimination dont ils assurent d’être conscients. Ils pourraient aussi adopter des mesures concrètes, comme l’organisation de tables rondes et des campagnes d’information, pour faire avancer la réconciliation avec la population autochtone plutôt que de se limiter à des gestes symboliques.

Et lorsqu’ils auront enlevé la poutre de l’œil municipal, alors pourront-ils, en tout honneur, se préoccuper de la paille de l’œil du Québec ou de toute autre province.