Par: Michel LAGACÉ

Pour les amateurs d’art et d’histoire, l’invitation est irrésistible : le Musée des beaux-arts de Winnipeg (le WAG) propose de commémorer, depuis le 18 mars au 30 septembre, avec un délai dû à la pandémie, le 150e anniversaire de la fondation de la province du Manitoba en 2020. Le Musée promet aux visiteurs « un voyage à travers l’histoire d’un point de vue métis en associant des œuvres d’art à des documents d’archives. »

Pour remplir sa promesse, le Musée présente quelques documents d’archives et une collection diversifiée d’œuvres historiques et contemporaines, notamment des photographies, des peintures, des textiles, et de magnifiques travaux de perlage. Si le but principal du Musée était de mettre en relief la culture métisse, l’exposition aurait le mérite de rendre hommage à une collectivité trop souvent absente des principales institutions culturelles du Manitoba.

Cependant l’exposition, Kwaata-nihtaawakihk – A Hard Birth, annonce des objectifs plus ambitieux. En effet, il s’agit d’inciter le public à réfléchir sur le rôle de la nation métisse dans la création du Manitoba. Or il est impossible de retrouver l’histoire de cette création dans cette exposition qui met tout simplement de côté le rôle déterminant des Métis francophones de la Rivière-Rouge. Eux qui formaient le groupe le plus important de la population en 1870 ne sont mentionnés nulle part et leur langue, le français, est absent tant dans les textes archivistiques que dans les cartels qui commentent les œuvres.

Force est de rappeler qu’une exigence fondamentale des Métis lors des négociations de l’entrée du Manitoba dans la Confédération était le droit d’employer le français ou l’anglais dans les débats de la Législature, dans les archives, les comptes rendus et les procès-verbaux, de même que le droit d’utiliser l’une ou l’autre langue dans les tribunaux. Et toutes les lois devaient être imprimées et publiées dans les deux langues. Ces droits ont été inconstitutionnellement abolis en 1890 et la prohibition d’utiliser le français comme langue d’enseignement devait suivre en 1916.

Pourtant, les deux commissaires de l’exposition, Sherry Farrell Racette et Cathy Mattes, ont dit vouloir présenter une vision métisse de la fondation du Manitoba. En réalité, elles proposent une vision trompeuse de leur sujet. Elles contribuent malheureusement à maintenir une déplorable incompréhension de notre histoire.

Leur décision d’exclure le français est injustifiable. Personne n’exige que le Musée fonctionne dans les deux langues officielles, mais ce sujet d’exposition exige une reconnaissance du français que les Métis ont tenu à voir reconnu officiellement.

En voulant présenter une vision artistique de la fondation du Manitoba, le Musée n’est pas dispensé d’être fidèle à la vérité. En l’occurrence, il ne devrait pas passer outre à la vérité historique.