C’était une rencontre attendue. Du 28 mars au 1er avril, le Pape François a rencontré à différentes périodes des délégations autochtones qui se sont rendues au Vatican dans un espoir de réconciliation et de guérison. Des excuses ont été présentées par le Pape lors de l’audience finale du 1er avril.

Par : Ophélie DOIREAU

En italien, le Pape François a prononcé ces mots : « Je peux vous dire de tout mon cœur, je suis vraiment peiné. Et je me joins à mes frères évêques du Canada pour vous présenter mes excuses. » Le 24 septembre dernier, les évêques catholiques du Canada avaient présenté officiellement leurs excuses aux peuples autochtones lors de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Pour parvenir à la réconciliation, la Commission de vérité et réconciliation du Canada avait émis 94 appels à l’action, en 2015, dont le 58e demandait des excuses présentées par le Pape aux survivants des pensionnats autochtones, à leurs familles ainsi qu’aux collectivités concernées.

En 2009, une délégation autochtone s’était déjà rendue au Vatican dans ce but. Mais le Pape Benoît XVI avait émis un communiqué de presse dans lequel il exprimait « sa sympathie et sa solidarité dans la prière » aux survivants des pensionnats.

Cependant, depuis 2009, les révélations d’abus sur des enfants autochtones par des dirigeants catholiques n’ont fait qu’augmenter. La Commission de vérité et réconciliation a d’ailleurs documenté des milliers de cas d’abus sexuel, physique et psychologique.

La Commission de vérité et réconciliation avait aussi soulevé le nombre d’enfants envoyés dans les pensionnats autochtones qui n’étaient pas rentrés chez eux. Officiellement, ce chiffre est estimé à plus de 4 000 enfants. Mais les registres n’étant pas complets, ce chiffre est sous-estimé. Entre 1863 et 1996, plus de 150 000 enfants ont été envoyés dans ces pensionnats.

En mai 2021, plus de 215 corps d’enfants enterrés près d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops en Colombie-Britannique avaient été découverts. Quelques semaines plus tard, plus de 751 tombes anonymes étaient découvertes près d’un ancien pensionnat autochtone à Marieval en Saskatchewan.

Ces annonces se sont multipliées pour finalement estimer à plus de 1 500 les tombes anonymes découvertes partout au pays.

Le contexte des excuses du Pape François est donc bien différent de celui de 2009. Les rencontres, tout au long de la semaine, entre le Pape et les délégations autochtones ont été rythmées par des récits, des témoignages, de l’écoute et de l’ouverture d’esprit de chaque personne pour finalement aboutir à la demande de pardon du Pape.

Ces excuses ont été accueillies favorablement par les trois délégations autochtones qui étaient sur place. Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami : « Nous avons été clairs à propos de ce que l’Église catholique devait encore faire pour s’assurer qu’il y ait la vérité, la justice, la réconciliation et la guérison. »

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« Nous avons rencontré le Pape comme délégation inuit lundi et notre position était claire : nous voulions des excuses de la part de l’Église catholique. Et le Pape a donné des excuses avec empathie et bienveillance. Ce sont des mots que les Autochtones rêvaient d’entendre depuis des années. Mais ce n’est qu’une pièce du puzzle. »

Cassidy Caron, la présidente du Ralliement national des Métis, s’est quant à elle dit « profondément touchée. Nous avons été entendus. Le Pape a vraiment écouté nos histoires et dans son discours, il a vraiment reflété la façon dont nous sommes tous connectés.

« Les paroles prononcées aujourd’hui sont historiques. Ces excuses permettent de continuer notre chemin vers la guérison et ouvrent une porte pour des actions. Il y a encore du travail qui doit être fait. »

Gerald Antoine, chef de la délégation des Premières Nations, a abondé dans le même sens.

« C’est un jour que nous avons tellement attendu. Quand je dis nous, je parle des survivants, de leurs familles et de leurs communautés qui ont été affectés toutes ces années par le système des pensionnats autochtones.

« Nous acceptons ces excuses en geste de bonne foi. C’est un premier pas historique, mais ce n’est qu’un pas. La prochaine étape est que le Pape François vienne chez nous pour voir nos familles et qu’il s’excuse sur nos terres. »

Dans son discours, le Pape François a d’ailleurs confirmé son intention de venir au Canada, sans préciser à quelle date exactement. « Je serai heureux de profiter à nouveau de vous rencontrer lorsque je visiterai vos terres natales, où vivent vos familles. Je termine donc en vous disant à bientôt au Canada, où je pourrai mieux vous exprimer ma proximité. »

Le Pape a évoqué la période aux alentours de la Sainte-Anne, célébrée le 26 juillet, date symbolique pour les Autochtones.