Le 17 avril 1982 marquait l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1982. L’article 55 de cette loi prévoit que le « ministre de la Justice du Canada est chargé de rédiger, dans les meilleurs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada qui figurent à l’annexe. » Pourtant 40 ans plus tard, aucune traduction n’a été adoptée.

Le Sénat a adopté à l’unanimité, le 29 mars, une motion en faveur de l’adoption par le Canada d’une Constitution bilingue. De quoi envoyer de nouveau le message au gouvernement canadien.

Par : OPHÉLIE DOIREAU

Cest le sénateur progressiste Pierre Dalphond qui a proposé cette motion telle quelle, devant le Sénat. « Que le Sénat :

  1. rappelle que, malgré l’engagement d’avoir une Constitution entièrement bilingue contenu à l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, des 31 textes formant la Constitution canadienne, à ce jour, 22 ne sont officiels que dans leur version anglaise, dont la quasi-totalité de la Loi constitutionnelle de 1867;
  2. demande au gouvernement de considérer, dans le contexte de la révision de la Loi sur les langues officielles, l’ajout d’une exigence voulant qu’un rapport soit soumis aux 12 mois détaillant les efforts déployés pour assurer le respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982. »

Raymonde Gagné, sénatrice indépendante du Manitoba, souligne l’importance de cette motion. « Ce n’est pas la première fois que cet enjeu est débattu que ce soit au Sénat, ou bien à la Chambre des communes. C’est une motion qui vient rappeler son obligation au gouvernement fédéral.

« Et on demande au gouvernement canadien de rajouter quelque chose dans le projet de loi de la modernisation de la Loi sur les langues officielles pour rendre des comptes sur les efforts déployés quant à ce travail.

« Ça vient engager le gouvernement de passer à l’action et surtout d’en faire rapport. »

Si le sujet revient à la table des discussions, c’est parce qu’en 1984 un Comité de rédaction constitutionnelle française, chargé de rédiger une version française des parties unilingues anglaises de la Constitution canadienne est mis sur pied et remet deux rapports à la Chambre des communes et au Sénat, un en 1984 et l’autre en 1990 avec les versions des textes traduits. Aucune mesure n’a été prise depuis pour les faire adopter. Raymonde Gagné souligne la complexité du travail. « D’après ce que je comprends, c’est que plusieurs personnes au cours des années ont proposé des versions traduites et que pour des raisons techniques, on ne s’entend pas sur la version officielle.

| Faire du lobbying

« Il reste qu’il y a des principes interprétatifs. La Cour Suprême du Canada utilise la version française non officielle de la Constitution de 1867 et les tribunaux font grandement référence qu’elle n’a pas de valeur officielle.

« On voit donc toute la complexité de pouvoir s’accorder sur une version officielle en français et de l’adopter. »

Pourtant la sénatrice Raymonde Gagné rappelle qu’« il reste que c’est un projet inachevé et qui a son importance pour le Canada. Si on adopte le principe de la progression vers une égalité réelle, c’est important d’avoir une version de la Constitution dans les deux langues officielles du pays. »

La sénatrice, originaire de Saint-Pierre-Jolys, donne des pistes de réflexions sur des solutions. « Le règlement de l’impasse dépend beaucoup de solutions politiques. J’explique mon propos. Ce travail va probablement demander la participation de l’ensemble des Provinces et des Territoires. On sait qu’il n’y a pas vraiment d’appétit en ce moment pour rouvrir la Constitution.

« Le règlement de l’impasse pourrait aussi dépendre de solutions juridiques : il y a eu des recours qui ont été intentés à différentes reprises comme celui de 2019 avec le professeur François Larocque et l’ancien sénateur, Serge Joyal. C’est vraiment tous ces gestes posés qui vont envoyer un message au gouvernement canadien.

« Quand le Sénat adopte cette motion, c’est une voix de plus qui s’ajoute aux personnes qui souhaitent voir cette Constitution bilingue. »

Il reste que le lobbying d’organismes qui défendent la francophonie canadienne soit encore nécessaire pour faire valoir une Constitution bilingue. « Je pense qu’il y a déjà du lobbying qui est en train de se faire pour des amendements au projet de loi de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il est possible d’en faire aussi pour cet amendement spécifiquement.

« Il y a un engagement politique pour les langues officielles. On l’a vu avec le projet de loi C-32 qui est mort au feuilleton, ils sont revenus avec C-13 qui a été modifié en tenant compte des propositions faites par des organismes pour rendre le projet de loi un peu plus mordant. Ces actions démontrent que le gouvernement est engagé à progresser vers une égalité réelle des langues officielles du Canada. »