Par: Michel LAGACÉ
Quand Statistique Canada a annoncé qu’en mars 2022 les prix à la consommation au Canada avaient augmenté de 6,7% par rapport à l’année précédente, certains dirigeants politiques de l’opposition n’ont pas hésité à récupérer cette nouvelle préoccupante pour tenter de marquer des points en en faisant un phénomène strictement canadien.
Or la flambée des prix est liée à des facteurs internationaux qui échappent largement au contrôle du Canada. Les marchés de l’énergie, des matières premières et de l’agriculture alimentent l’inflation à l’échelle mondiale. Et par surcroît, la guerre en Ukraine contribue à la pression sur les prix alors que la plupart des économies se relèvent à peine de l’impact de la pandémie.
Cependant, pour Pierre Poilievre, à l’instant le favori parmi les candidats à la chefferie du Parti conservateur, le grand coupable serait le gouvernement libéral de Justin Trudeau. Il voit la cause de l’inflation au Canada dans les dépenses du gouvernement fédéral qui ont augmenté de 362,9 milliards $ en 2019-2020 à 628,9 milliards $ en 2020-2021.
Il ne précise pas en quoi cette augmentation a un impact inflationniste dans une économie qui dépasse les deux mille milliards de dollars. Il prend soin aussi de ne pas dire ce qu’il aurait fait en 2020-2021 alors que le gouvernement fédéral a créé des programmes de soutien financier aux personnes, aux entreprises et aux organismes durant les pires périodes de la pandémie.
De son côté, Jagmeet Singh, le chef du NPD, prétend que le grand coupable serait la cupidité des grandes entreprises qui cherchent à augmenter leurs profits. Il n’explique pas pourquoi cette propension serait plus répandue aujourd’hui que par le passé. Et lui aussi fait semblant d’ignorer l’impact de facteurs internationaux qui font les manchettes depuis des mois. Par contre, M. Singh fait remarquer avec raison que les personnes à faible revenu ont plus de mal à se procurer des biens essentiels. En revanche, il ne propose pas de mesures qui appuieraient les personnes qui font face à un besoin réel.
Certains économistes reprochent à la Banque du Canada d’avoir trop longtemps cru que la hausse du taux d’inflation était transitoire, ce qui a retardé sa décision d’augmenter son taux directeur, le seul outil majeur dont elle dispose pour contrecarrer la hausse des prix. En 1981, face à un taux d’inflation de 12,5 %, le taux cible de la Banque a atteint 20,24 % au mois d’août. Il s’agit d’une mesure qui risque d’entraîner une récession économique, comme il est arrivé en 1981-1982.
S’il est une leçon que les Canadiens peuvent tirer de l’actuelle hausse de l’inflation au pays, c’est qu’il serait sage de se méfier des interprétations politiques de phénomènes économiques. Ils peuvent aussi exiger que les dirigeants politiques tentent d’atténuer les effets des pressions inflationnistes sur les personnes les plus vulnérables. Et ils peuvent aussi espérer que l’inflation se rapproche le plus tôt possible du taux cible de 2 % de la Banque du Canada.