Janelle Delorme est l’une des quatre personnes (1) récompensées par l’organisation Full Circle for Indigenous Education (2) au titre de champion 2022 pour l’éducation autochtone. Très fière de ce prix, Janelle Delorme le voit comme une reconnaissance pour plus de dix ans d’investissement dans cette question fondamentale de l’éducation autochtone.

Par :  JONATHAN SEMAH 

En ce moment en congé maternité, Janelle Delorme accueille ce nouveau petit bonheur personnel comme un véritable honneur.

« C’est certainement une reconnaissance des années de travail dans le but de la réconciliation. Et plus particulièrement, cette année, ce qui est mis en avant, c’est la chronique RéconciliACTION que je présente toutes les deux semaines sur les ondes d’Envol 91FM. Je transforme aussi cette chronique en article pour le publier dans les colonnes du magazine Le Nénuphar. Et c’est sûrement cet effet boule de neige qui fait que beaucoup d’enseignants me contactent. »

En effet qui dit éducation, dit enseignant et écoles. En parallèle de son poste d’animatrice régionale pour Développement et Paix, Janelle Delorme va à la rencontre des écoliers manitobains de la Division scolaire Louis-Riel et de la Division scolaire franco-manitobaine pour faire ce travail si utile de pédagogie, de compréhension et d’apprentissage sur la question autochtone. Un engagement personnel qui remonte à plus de dix ans.

« Je fais ça depuis 2011, depuis le début du projet appelé RéconciliACTION à l’Université Saint-Boniface. J’étais participante et c’était un engagement de deux ans pour approfondir, renouer et créer de bonnes relations entre personnes autochtones et non-autochtones. Personnellement, ça m’a permis de m’encrer davantage dans mon identité métisse.

« Dans ma famille, on a toujours été conscient de notre identité et malgré tout il y a eu des moments où l’on a été déconnecté de la culture. Et dans les années 1990, dans les écoles, on n’en parlait pas. Mais je peux assurer qu’un tiers de mes camarades était métis, mais on ne le savait pas », détaille Janelle Delorme.

C’est donc aussi cette question de réclamation identitaire que Janelle Delorme veut pousser. Pour elle, les efforts faits depuis plusieurs décennies sont remarquables.

« J’essaie d’imaginer ce que ça aurait fait de voir un adulte dans notre classe à cette époque pour parler de ces sujets. Ça aurait été différent de ce que je peux proposer aujourd’hui.

« Aussi, la Commission de Vérité et Réconciliation a amené la société canadienne à en savoir plus sur certains évènements comme la colonisation ou la question des pensionnats autochtones. La publication du rapport et les 94 appels à l’action (2) sont devenus comme un catalyseur au niveau de l’action. La Commission a notamment eu un impact sur l’éveil des personnes non-autochtones, entre autres. L’approche et la façon de voir les choses sont désormais différentes que ce soit dans les écoles, les associations, les organismes ou la société en général. »

| Une championne francophone

Parmi les quatre champions honorés par Full Circle for Indigenous Education, Janelle Delorme est la seule francophone. Une fierté bien sûr, mais la chroniqueuse y voit aussi un vrai défi : comment proposer plus de contenus éducatifs sur ces sujets en français? Et pourquoi est-ce compliqué de trouver des ressources sur l’éducation autochtone en français?

« On vit dans un contexte linguistique minoritaire. Les chances d’avoir une personne qui parle le français dans les multiples organismes autochtones qui fournissent des ressources sont minimes.

« Dans mes recherches, je tombe sur des sites Web en anglais et seulement quelques parties sont en français. Je me dis que c’est au moins ça. Mais ça prend des éducateurs qui envoient des courriels aux organismes pour demander plus de ressources en français.

« La Province fournit des informations en français, il y a aussi des ressources qui nous viennent du Québec, mais ce ne sont pas les Nations d’ici. Prendre des ressources qui viennent principalement du Québec, ce n’est pas la même chose, même s’il est important de s’informer sur les communautés à travers tout le Canada », rappelle Janelle Delorme.

Il reste donc encore du chemin vers la réconciliation. Chaque étape est importante et l’éducation demeure, comme Janelle Delorme le pense, un pilier central. Pour préparer ses rencontres avec les élèves, Janelle Delorme s’informe auprès d’aînés, d’organismes et s’assure que ces sources soient fiables. Et les jeunes élèves, souvent en 7e ou 8e année, que rencontre Janelle Delorme, s’impliquent beaucoup dans les cours qu’elle propose.

« Je suis heureuse et émerveillée de voir que la plupart captent ce que je dis. Ils ont un vrai sens de justice sociale. À cet âge-là, ils ne voient pas encore le monde comme un endroit négatif et j’ai cette impression qu’ils ont ce désir de justice. J’adore leurs questions et si d’autres pouvaient prendre exemple sur ces jeunes, ça serait fantastique! »

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(1) Les autres champions sont: Deidre Gregory, Rylee Nepinak et Diane Maytwayashing.

(2) Full Circle est l’évolution actuelle de ce qui est né en 1987 sous le nom d’Aboriginal Teacher’s Circle, et qui s’est exprimé plus récemment sous le nom d’Aboriginal Circle of Educators (ACE). Le but de cet organisme autochtone est de soutenir l’apprentissage de l’histoire, de la culture, de la langue et de la pédagogie autochtone.

(3) En juin 2015, la Commission de Vérité et Réconciliation du Canada a rendu public son rapport final contenu dans plusieurs volumes. Le sommaire présente 94 appels à l’action pour favoriser la réconciliation entre les Canadiens et les peuples autochtones.