La publication du rapport annuel 2021-2022 du Commissaire aux langues officielles la semaine dernière souligne encore une fois l’état toujours précaire du français au Canada. Puisque cinquante-trois ans après l’adoption de la Loi sur les langues officielles, le français demeure marginal dans les plus hautes sphères de l’administration publique.
Par Michel LAGACÉ
Le Commissaire, Raymond Théberge, fait état d’un « véritable raz de marée de 5 409 plaintes recevables » durant la dernière année, une augmentation de 189 % par rapport à l’année précédente. Deux évènements en particulier ont attiré les plaintes : la nomination au poste de gouverneure générale de Mary Simon qui ne parle pas le français (1 346 plaintes recevables) et le discours prononcé en anglais devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain par Michael Rousseau, le président-directeur général d’Air Canada, une institution soumise à la Loi sur les langues officielles (2 680 plaintes recevables).
Mais il y a plus. Justin Trudeau a choisi de nommer une lieutenante- gouverneure unilingue anglophone au Nouveau-Brunswick, pourtant la seule province officiellement bilingue au Canada. Et quand le gouvernement a cherché à doter deux postes de haute importance pour l’identité canadienne, ceux de la direction du Musée canadien de l’histoire et de Parcs Canada, il n’a stipulé aucune exigence linguistique. Ce sont là des décisions qui relèvent directement d’un gouvernement qui prétend publiquement vouloir protéger et promouvoir le français au Canada.
Le constat inévitable de Raymond Théberge : les nominations de ce genre « renforcent l’impression que des deux langues officielles du Canada, l’une est assurément plus importante que l’autre ». Il a d’ailleurs estimé publiquement que le bilinguisme devrait être obligatoire pour les hauts fonctionnaires.
Dans son projet de loi qui vise à moderniser la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral stipule que, dans la région de la capitale nationale et dans les régions désignées du Canada ou à l’étranger, le milieu de travail doit permettre aux employés d’utiliser l’une ou l’autre langue. Or c’est sur ce point exactement que le gouvernement contredit ses intentions. Car, en nommant des fonctionnaires unilingues anglophones aux postes supérieurs de l’administration centrale, il s’assure que les employés qui répondent à ces fonctionnaires devront nécessairement utiliser l’anglais.
Il est évident qu’aucun employé ne voudra adresser la parole ou écrire une note de service à l’intention de la gouverneure générale du Canada ou de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick en français. Et si le gouvernement n’exige pas la connaissance des deux langues officielles à la direction de Parcs Canada et du Musée canadien de l’histoire, il tombe sous le sens que les hauts fonctionnaires de ces institutions devront communiquer en anglais, indépendamment des bonnes intentions exprimées dans la Loi.
Le rapport du Commissaire nous rappelle le décalage flagrant entre la parole et les gestes du gouvernement fédéral. Justin Trudeau et tous les ministres de son gouvernement ont du travail à faire s’ils veulent que l’ensemble des Canadiens prennent vraiment le bilinguisme au sérieux.