La pandémie a mis en lumière les mauvais traitements que subissent des personnes ainées partout au pays. Pour faire le point et trouver des stratégies, le Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés et la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada ont mis sur pied la Table nationale francophone de concertation communautaire en prévention du mauvais traitement des personnes ainées.
Marianne Dépelteau – Francopresse
Neuf provinces et le Yukon se réuniront le 20 septembre pour la première rencontre de la Table, qui vise d’abord à fournir un aperçu de la maltraitance des personnes ainées francophones au Canada pour ensuite développer un plan d’action.
Les participants dresseront également un état des lieux des services et de la recherche. Selon la coresponsable de la mise sur pied de la Table, Denise Lemire, « il y a de la recherche qui s’est faite, mais plus au niveau anglophone, moins au niveau francophone sauf au Québec ».
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Liste des participants :
Association franco-yukonnaise (AFY)
Carrefour 50+ de Colombie-Britannique
Fédération des aînés franco-albertains (FAFA)
Vitalité 55+ de Saskatchewan
Fédération des aînés de la francophonie manitobaine (FAFM)
Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO)
Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick (AFANB)
Regroupement des aînés de la Nouvelle-Écosse (RANE)
Un représentant de l’Île-du-Prince-Édouard
Fédération des francophones de Terre-Neuve-et-Labrador (FFTNL)
Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC)
Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés (RCPMTA)
Marie Beaulieu, professeure de travail social à l’Université de Sherbrooke
Martine Lagacé, spécialiste des couts sociaux de l’âgisme à l’Université d’Ottawa
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Membre du conseil d’administration du Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés (RCPMTA) pour la région d’Orléans, en Ontario, Denise Lemire note qu’« il n’y a pas beaucoup de statistiques sur combien [d’ainés] francophones ont été maltraités. J’aimerais avoir des témoignages, on n’en a pas beaucoup qu’on peut publier ».
La Table vise à « favoriser la concertation entre tous les acteurs et la coordination des efforts des communautés francophones et acadiennes » pour réduire la maltraitance des ainés francophones, d’après un communiqué conjoint de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC) et du RCPMTA.
Pour suivre les progrès réalisés et proposer des stratégies d’action, la Table se basera sur l’initiative pancanadienne Futur Nous, lancée en mars 2022 par le RCMPTA. Cette « feuille de route pour la prévention des mauvais traitements contre les personnes âgées » guidera les acteurs pour échanger, mieux coordonner les collaborations nationales et arrimer les diverses initiatives qui existent à l’heure actuelle.
Denise Lemire souligne que les personnes ainées ne savent pas toujours où aller ni comment signaler de la maltraitance : « Des fois, ils n’ont pas le sens d’appeler pour de l’aide ou des fois ils sont gênés. »
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D’après Statistique Canada, en 2019, 14 156 personnes ainées ont été victimes d’une affaire de violence déclarée par la police au Canada.
32 % des victimes ont été agressées par un membre de la famille
11 % des victimes, dont 66 % de femmes, ont été agressées dans un établissement de soins infirmiers ou dans une maison de retraite
81 % des victimes de violence dans ces milieux ont été agressées physiquement et 15 % ont été agressées sexuellement
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Des «histoires d’horreur»
« Il y a des situations qui nous inquiètent grandement », confie Jean-Luc Racine, directeur général de la FAAFC.
Celui-ci a été choqué par un rapport paru en juin 2022 sur la maltraitance des personnes ainées au Nouveau-Brunswick : « Ils ont faim, on a découvert des lits souillés, bref, ce ne sont pas de belles histoires! Pendant la pandémie, on a vu à quel point c’est une histoire d’horreur. Des ainés ont été laissés à eux-mêmes dans les résidences. »
Parmi les exemples de négligence, le rapport mentionne la malbouffe, la sous-alimentation, l’ignorance de la cloche que sonnent les résidents pour obtenir des services, et les retards pour le bain et pour les changements de couches.
Certaines personnes ont même rapporté que la prise de médicaments n’est pas toujours respectée par les employés, qui donnent parfois des pilules au mauvais moment ou renouvèlent des prescriptions en retard.
Comme expliqué dans le rapport, une « loi du silence » s’instaure quand les places dans les résidences sont limitées et les listes d’attente sont longues. La personne ainée et sa famille peuvent alors hésiter à se plaindre par peur de ne pas trouver un autre foyer.
Plusieurs enjeux pour les francophones hors Québec
En 2016, 41,5 % des francophones au Canada avaient plus de 50 ans. Hors Québec, l’accès aux services en français demeure toutefois limité et le manque de personnel bilingue ou francophone rend difficiles les signalements de maltraitance.
« Raconter ton histoire en anglais, c’est pas pareil comme [la] raconter en français. Le langage et la culture ne sont pas pareils », évoque Denise Lemire.
« C’est difficile quand il faut que tu parles en anglais de tes problèmes, ce n’est juste pas la même affaire. […] Des fois, c’est problématique, les intervenants de la santé peuvent mal comprendre la situation », ajoute-t-elle.
Elle rappelle aussi la différence entre les milieux urbains et ruraux, qui n’offrent pas la même quantité de services, surtout en français.
La fraude fait des victimes chez les personnes âgées
Denise Lemire rêve de mettre sur pied une initiative contre la fraude, comme une sorte d’alerte Amber. Elle rapporte que les personnes âgées se font souvent avoir par la fraude en ligne ou au téléphone, et que les histoires d’amour sont parfois l’appât : « Quelqu’un qui n’est pas informé sur l’Internet, les outils et les médias sociaux, des fois, il croit à tout et se fait avoir. »
« Il y a tellement de personnes ainées qui se sentent isolées, donc elles vont sur les sites de rencontre, mais se font avoir. Elles tombent amoureuses de quelqu’un sur Internet qu’elles ne connaissent même pas et qui leur demande de l’argent. »
Selon Jean-Luc Racine, « il y a beaucoup de travail de sensibilisation et d’information à faire auprès des ainés et on espère que les gouvernements vont travailler, vont être sensibles à ce genre de demande et vont appuyer les groupes communautaires ».