FRANCOPRESSE – En novembre dernier, la sénatrice Mobina Jaffer a déposé un projet de loi pour marquer la Journée internationale de la langue maternelle. La sénatrice le voit comme la pièce manquante aux lois sur le bilinguisme et le multiculturalisme. Rendu à la deuxième lecture à la Chambre des communes avant la pause estivale, le projet de loi est en bonne voie d’être adopté, après 15 ans de tentatives.

Inès Lombardo — Francopresse

La sénatrice britanno-colombienne Mobina Jaffer souhaite que cette journée, qui serait fixée au 21 février si le projet de loi est adopté, soit un rappel de « l’identité canadienne ». « C’est important que les Canadiens acceptent le bilinguisme, le multiculturalisme et la langue maternelle », affirme-t-elle.

À première vue, ce projet de loi semble presque anodin et peu susceptible de susciter un débat. Pourtant, il y a 15 ans, lorsque la sénatrice l’a soumis pour la première fois, son projet de loi s’est heurté à la résistance de « plusieurs sénateurs » — que la sénatrice s’est gardée de nommer — et du gouvernement.

« Mais j’étais têtue, lance-t-elle en riant. Je me suis battue, j’ai négocié et j’ai persuadé des sénateurs. Je suis très contente de leur soutien aujourd’hui. Ce fut un long combat. »

Pour que le projet de loi soit adopté cette fois, il ne lui reste qu’à franchir les étapes de l’examen en comité et de la troisième lecture à la Chambre des communes.

Pour Mobina Jaffer, ce projet de loi est aussi important à titre personnel. Ses grands-parents ont quitté l’Inde pour l’Ouganda. Première femme musulmane, née en Afrique et d’origine indienne nommée au Sénat par Jean Chrétien en 2001, elle parle six langues, dont le swahili et le gujarati.

Tout ce bagage témoigne de son multiculturalisme. Non sans fierté, Mobina Jaffer illustre à elle seule ce qu’elle défend : les langues sont au cœur de l’identité canadienne.

D’ailleurs, la première phrase du préambule du projet de loi rappelle que « le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada ».

Protection du bilinguisme

« Nous avons déjà la loi sur le bilinguisme et sur le multiculturalisme. Il nous manque la loi sur la langue maternelle. Mon rêve est de voir tous les Canadiens bilingues et à l’aise avec leur identité. Certaines expressions et certains mots existent uniquement dans notre langue maternelle, c’est une richesse », estime la sénatrice.

Mobina Jaffer défend le bilinguisme, « même si je suis moins à l’aise en français, souffle-t-elle. Mes enfants et petits-enfants parlent couramment les deux langues. C’est important d’envoyer comme message à la communauté francophone qu’on respecte sa langue et sa culture ».

Sans en faire une grande célébration ni un jour férié, Mobina Jaffer souhaite simplement que la Journée internationale de la langue maternelle jouisse d’une « reconnaissance pancanadienne dans les écoles, les médias et les communautés, que la langue maternelle soit vue comme une richesse à la fois personnelle et nationale ».

Préservation des langues autochtones 

Le préambule du projet de loi précise « qu’il se parle au Canada plus de soixante langues autochtones ». « Bien que [la préservation des langues autochtones] ne soit pas l’objectif direct de ce projet de loi, précise la sénatrice, ce sera une étape importante dans le processus de réconciliation de l’État avec les peuples autochtones ».

Elle ajoute que « c’est dans une optique de respect et de réconciliation que j’ai présenté ce projet de loi ». 

Elle considère son projet de loi comme « une première étape pour reconnaitre les langues autochtones », tout en déplorant que certaines de ces langues aient disparu. « Et lorsqu’une langue disparait, c’est toute une communauté qui disparait. C’est tragique pour notre pays », se désole-t-elle.

Pour cette raison, Mobina Jaffer préconise l’enseignement des langues autochtones aux étudiants allochtones. Il s’agit selon elle d’une autre solution pour préserver les langues maternelles.

« Dans mon pays d’origine [en Ouganda], tout le monde parle plusieurs langues. Je me demande toujours pourquoi on a tant de résistance à en apprendre plusieurs au Canada, notamment les langues autochtones. Je suis convaincue que cela doit changer », insiste-t-elle.