L’Université de Saint-Boniface exige, depuis la rentrée scolaire 2017, auprès des étudiants internationaux, un test de langue française pour attester de leur niveau de langue. Dans d’autres universités du pays, comme l’Université de l’Alberta, ce test n’est pas obligatoire pour tous les candidats internationaux.
Par Ophélie DOIREAU – Avec des informations de Jonathan SEMAH
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Suivant le pays d’origine, il est possible d’être exempté de test de langue à l’Université d’Alberta. En effet, les administrateurs de l’Université d’Alberta considèrent que « l’exigence relative à la langue anglaise peut être satisfaite par la possession d’un diplôme ou son équivalent académique d’un établissement d’enseignement reconnu par l’Université de l’Alberta, dans lequel la langue d’enseignement est l’anglais. Autrement un résultat satisfaisant à un test de langue anglais est possible. Cette approche est en place depuis au moins 2010. »
Des étudiants venus du Ghana qui ont étudié à Université des sciences et de la technologie Kwame Nkrumah ou à l’Université de Cape Coast ou à l’Université du Ghana seront donc exemptés. C’est donc un pas en avant pour les étudiants.
Du côté de l’Université de Saint-Boniface, les tests de langue française pour les candidats internationaux ne sont exigés que depuis 2017, y compris pour les candidats internationaux provenant de pays francophones et ayant suivi leurs études en français. Peter Dorrington, vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, motive la décision d’instaurer des tests de langue à tous les candidats internationaux.
« Tous les candidats internationaux doivent passer un test de français. Sur notre site web, on détaille tous les tests que nous acceptons. Pour les étudiants canadiens, nous n’exigeons pas de tests de français, cependant ils doivent avoir suivi le cours de français 40S c’est-à-dire le cours de français de 12e année.
« Suivant la note obtenue au cours de français 40S, l’USB a une assez bonne idée du niveau de français et si le candidat a les compétences langagières pour réussir à l’USB. Nous sommes moins bien placés pour les candidats internationaux parce que chaque pays a son système d’éducation qui lui est propre. »
Pourtant certains candidats ont suivi leurs études dans des pays où l’instruction se faisait en français. Mais Peter Dorrington défend les tests. « La grande majorité de nos candidats internationaux ont fait leurs études dans des pays où le français est une langue officielle.
« On ne veut pas admettre des étudiants qui vont échouer dans le programme. Notre but n’est pas de les mettre dans une situation d’échec. C’est un devoir éthique parce que les candidats internationaux vont payer plus cher leurs études, ils vont devoir déménager. C’est un engagement qui peut coûter jusqu’à 35 000 $ au total.
« Le test nous permet de nous assurer que les étudiants vont pouvoir réussir. On ne veut pas que les élèves aient le sentiment d’avoir perdu leur argent. C’est donc une question d’être juste envers ces élèves. »
| Assurer la réussite
Peter Dorrington parle de réussite académique, il affirme même « on voit que ces étudiants réussissent mieux que ceux qu’on admettait avant, sans le test. » Cependant, il n’a aucun chiffre à partager sur le taux d’obtention des diplômes. « Nous n’avons pas de données précises sur ça. » Cette impression d’une meilleure réussite vient du ressenti des professeurs. « Ce sont les professeurs qui ont constaté la différence, il y a moins de situations d’échecs. On se sent plus à l’aise qu’il y a cinq ans. »
Du côté de l’Université de l’Alberta, le bureau du registraire confie que « depuis la mise en place en 2010, on n’a pas observé de différence globale dans le taux d’obtention de diplôme entre les étudiants étrangers de premier cycle qui doivent passer un test d’anglais lors de leur demande d’admission à l’Université de l’Alberta et les étudiants étrangers qui ne sont pas tenus de le faire. Le taux d’obtention d’un diplôme après six ans pour les deux groupes d’étudiants est de 68 % à 69 %, comparativement aux candidats canadiens dont le taux moyen d’obtention d’un diplôme après six ans depuis la cohorte d’admission de 2010 est de72%.»
Pour Peter Dorrington, ce test de langue permet de trier et de classer de manière objective les candidats internationaux. Pour rappel le prix d’un test peut varier entre 300 et 500 $. À la question de savoir si le test de langue exigé équivaut au même niveau de langue que le cours de 40S suivi par les Canadiens, Peter Dorrington admet que « la situation est un peu différente. Les Canadiens doivent toutefois montrer qu’ils ont suivi avec succès ce cours ce qui signifie qu’ils auront les compétences langagières pour réussir. »
| Les étudiants pas convaincus
Du côté des étudiants internationaux, cette exigence ne passe pas et entraîne beaucoup d’incompréhension. Michelle Kambire est depuis le mois de mai la présidente de l’association étudiante de l’USB. D’origine ivoirienne, celle qui a fait toute sa scolarité en français est assez perplexe.
« La plupart d’entre nous, en apprenant l’existence de ce test obligatoire, étaient assez surpris. Donc, c’était assez étrange pour moi de faire ce test et de suivre également un cours de français. J’étais assez inconfortable avec cette situation. Je me suis dit : est- ce qu’ils pensent vraiment que je ne parle pas le français? Et en plus de ce test, nous avons également un cours de français, je l’ai vu comme une perte de temps. Je préférerais qu’on nous montre la méthodologie pour rédiger “à la canadienne”, mais ne pas nous apprendre des choses qu’on connaît déjà. »
Selon Michelle Kambire, cette exigence entraîne bien des frustrations chez les élèves internationaux. Elle espère simplement que dans le futur cette demande soit annulée.
« Nous réunir en faisant un test pour voir quel est notre niveau, ça ne fonctionne pas. Dès le départ, nous n’apprenons pas le même français. Donc, nous tester sur un français qui sera majoritairement canadien, ça ne reflète pas nos vraies performances. J’aimerais qu’on arrête de faire ce test. Je sais qu’avec l’association nous avons déjà essayé de retirer le cours de français, qu’il ne soit plus obligatoire. Et pour être honnête, la plupart d’entre nous, nous n’en avons pas besoin. »
Pour l’année 2021-2022, l’USB a admis 1 362 étudiants dont 175 étaient des étudiants internationaux. L’USB s’attend à recevoir plus d’étudiants internationaux cette année.
« Avec la pandémie, certains ont préféré attendre avant de s’inscrire à des études à l’étranger. On pense avoir plus d’inscriptions à la rentrée de l’automne 2022 », conclut Peter Dorrington.