Pour certains parents, la rentrée est synonyme de nouvelles habitudes, de renouveau, parfois de stress. Pour les familles de Lemya Kerkeb et de Jean Robert Noel, arrivées au Manitoba il y a moins d’un an, cette rentrée rime avec soulagement. Comment la DSFM s’adapte pour aider ces familles à se sentir chez elles au Manitoba? 

Par Morgane LEMÉE

Après plusieurs années d’attente, le rêve se concrétisait enfin pour cette famille originaire d’Algérie : Lemya Kerkeb, son mari Amine Bouabdallah et leurs deux fils, Anes (11 ans) et Rassim (7 ans), posaient définitivement leurs valises au Manitoba, le 26 décembre 2021. Mais avec un tel chamboulement de vie, vient son lot d’inquiétude. Surtout quand il s’agit de l’intégration de ses enfants. 

C’était le cas pour Lemya Kerkeb : « J’étais vraiment stressée. J’avais peur pour l’intégration des enfants, qu’ils ne s’adaptent pas, qu’ils n’aient pas d’amis, qu’ils ne soient pas dans leur élément. C’est un gros changement pour eux, changer de pays, d’école, de maison. Tout ça peut avoir un impact sur un enfant. » 

Quasiment jour pour jour, en décembre 2021 aussi, la famille de Jean Robert Noel et Anne Sonie Joseph Noel arrivait d’Haïti pour s’installer au Manitoba. Leur fils de dix ans, Noah Jonathan Noel, est alors entré en milieu de 5e année à l’École Précieux- Sang, en février 2022. C’est la découverte d’un nouveau système scolaire, d’un nouvel environnement, autant pour les enfants que pour les parents. Jean Robert Noel : « C’est un apprentissage pour nous aussi. C’est différent d’Haïti, mais vu le contexte qu’on a laissé là-bas, je pense que c’est beaucoup plus facile pour nous ici. Dans le système canadien, les enseignants sont plus à l’écoute des élèves. À Haïti, l’accent est sur les résultats et il y a plus de pression. » 

Jean Robert Noel et Anne Sonie Joseph Noel, et leurs enfants : Noah Jonathan Noel (10 ans) et Élodie Anah Noel (7 mois). (photo : Raphaël Boutroy)

Dès son arrivée à l’école, on a fourni le matériel nécessaire à Noah pour qu’il rattrape le début d’année et soit au même niveau que les autres élèves. Même chose pour Anes et Rassim qui sont eux aussi arrivés en milieu d’année scolaire à l’École Précieux-Sang. Rassim est entré en 1re année. Lemya Kerkeb a été subjuguée par l’implication des professeurs. « Rassim avait quelques difficultés pour la lecture. Ils l’ont vraiment pris en charge individuellement pour relever son niveau de lecture au même niveau que les autres. Au bout de trois mois, il a eu des résultats spectaculaires. C’est comme un miracle. Des personnes comme ça qui s’occupent de leur intégration, de les mettre tout de suite sur les rails, c’est formidable. » 

Tout de suite, Lemya Kerkeb a pu constater les différences avec le système éducatif algérien. « Le système éducatif algérien est un système très concurrentiel, compétitif. Très chargé aussi. Les enfants ont beaucoup de modules, de cahiers, de livres. Contrairement à ici au Canada, où je ne dirais pas que c’est très chargé, mais juste ce qu’il faut pour un enfant. Ils ont le temps de vaquer à des loisirs, des activités, tout en apprenant. Ils peuvent faire beaucoup de sport ou de la musique. Et ça, ça joue en faveur de leur intégration et de leur installation aussi. »

En fait, l’intégration de ses enfants à l’École Précieux-Sang a été un véritable soulagement pour Lemya Kerkeb dans le parcours familial d’immigration. « Les garçons ont eu une intégration parfaite à l’école. Ils ont été accueillis par les enseignants, par le directeur, par les élèves. Ils n’ont pas du tout senti qu’ils étaient nouveaux dans la classe, même s’ils sont arrivés en milieu d’année. Dès le premier jour, on vous fait sentir que vous faites partie de la famille. Et on leur facilite les choses. Vous savez, quand nos enfants sont bien pris en charge, on a un souci en moins dans la tête. On s’occupe du reste de l’intégration, du travail. » 

Même son de cloche pour la famille de Jean Robert Noel. « Noah a vraiment apprécié l’encadrement des professeurs, l’école et comment on l’a intégré à l’École Précieux-Sang. Nous sommes des parents qui veulent être toujours très impliqués dans l’éducation de nos enfants. L’ultime porte de sortie pour la réussite de nos enfants, c’est l’éducation. Quand je vois l’engouement que Noah a de retourner à l’école, je vois qu’il aime vraiment son environnement scolaire. Ça fait du bien de savoir que notre enfant est entre de très bonnes mains, dans de bonnes conditions. Ça nous touche vraiment, en tant que parents. » 

| Des agents culturels à la DSFM 

Dans le but de répondre aux besoins des familles nouvellement arrivées au Manitoba et de faciliter l’intégration des élèves, la DSFM a adopté, il y a plusieurs années, le programme Travailleurs en établissement dans les écoles. Ce programme est initié par des organismes spécialisés en immigration à travers le Canada et permet d’aider les familles à s’intégrer autant sur le plan scolaire que social. 

Daniel Preteau, directeur des Services aux élèves à la DSFM. (photo : Archives La Liberté)

Grâce à un octroi de IRCC (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada), la DSFM a décidé d’embaucher à temps plein deux travailleurs en établissements dans les écoles (TÉÉ), aussi appelés agents culturels. Daniel Preteau, directeur des Services aux élèves à la DSFM, explique cette initiative qui date de plusieurs années. « Le rôle des TÉÉ est de collaborer avec le personnel de l’école, la famille et l’élève et de promouvoir et créer un milieu accueillant pour tout le monde. » 

« C’est très individuel. L’immigration, c’est comme un oignon. Il y a tellement de lisières. On doit y aller doucement. Une famille qui vient de la Belgique va vivre une expérience différente d’une famille qui vient d’un camp de réfugiés. Les TÉÉ vont faire cette distinction. Ils vont cerner les besoins de la famille et de l’élève, toujours en gardant l’élève au premier plan. » 

La DSFM travaille de près avec des partenaires comme l’Accueil francophone pour savoir quand une nouvelle famille francophone arrive au Manitoba et à la DSFM. Les agents culturels naviguent tous les jours dans une dizaine d’écoles de la division pour répondre à différents besoins. Daniel Preteau : « Ils peuvent se rendre dans une école pour aider une famille avec l’inscription scolaire. Ils parlent plusieurs langues et peuvent agir comme interprètes pour la famille ou vont se présenter à l’aéroport quand une famille arrive. »

| Une rentrée moins chère 

Pour Jean Robert Noel, comparée à Haïti, la rentrée scolaire canadienne coûte moins chère, avec une liste de fournitures beaucoup plus légère. Faut-il encore se familiariser avec le vocabulaire de celle-ci. Il rit déjà en racontant cette anecdote : « J’étais au magasin, et je vois dans la liste : étui à crayons. Je me demandais ce que c’était! Puis j’ai compris. Chez nous, on dit porte-crayon. Pareil pour une paire d’espadrilles pour l’éducation physique… Je ne sais pas ce que c’est, mais Google va m’aider (rires). » 

Tout comme Noah Jonathan Noel, Anes et Rassim Bouabdallah ont hâte de retourner à l’école. Lemya Kerkeb est ravie de voir l’épanouissement de ses enfants. 

« Chaque expérience est différente. Certaines personnes ont eu des difficultés pour l’adaptation de leurs enfants. Je m’estime chanceuse. Pour moi, tous les changements qu’ont vécus mes enfants ont été positifs. On est toujours à l’écoute de leurs besoins et on respecte aussi vraiment la diversité culturelle et religieuse dans leur école. Il n’y a jamais de jugement. 

 

Comment soulager le porte-monnaie des parents? 

Pour chacun de ses deux enfants scolarisés à l’École Précieux-Sang, Lemya Kerkeb a reçu une liste de fournitures divisée en deux parties : une à la charge des parents, une autre de l’école. La mère de famille a également déjà payé 70 $ par année pour chaque enfant. 

Alain Laberge, directeur de la Division scolaire franco-manitobaine. (photo : Archives La Liberté)

Alain Laberge : « L’école est gratuite, mais ce frais, qui varie selon les écoles, permet de couvrir les sorties dans l’année et le matériel scolaire. Ça assure une homogénéité dans le système et qu’aucun n’enfant ne soit ciblé comme étant celui qui n’a pas de cahiers ou de crayons. Si une famille n’est pas en mesure de payer, on leur dit d’appeler la direction d’école pour s’arranger, avec un paiement mensuel par exemple. On veut que ça reste discret. Il n’y a personne qui décide d’être pauvre. » 

« C’est toujours du cas par cas. Mais bien sûr, si la famille n’est vraiment pas en mesure d’acheter des fournitures, on ne pénalisera pas l’enfant. On va fournir les fournitures scolaires, ce n’est pas un problème. » 

« Je sais que dans certaines écoles de la DSFM, les parents ont l’option de donner un peu plus, s’ils le peuvent, pour que l’école puisse pallier aux familles davantage dans le besoin. » 

Alain Laberge confirme que les demandes d’aide sont grandissantes au sein de la DSFM. 

« La DSFM fournit près de 200 déjeuners et 200 dîners chaque jour pour des enfants. On essaie de faire ça dans la dignité. Alors on va avoir des aires communes ouvertes à tous pour déjeuner, incluant ceux qui ont déjà mangé, pour ne pas faire de distinction. »