Par Ophélie Doireau – Initiative de journalisme local.Réseau.Presse-La Liberté
Pierre Poilievre a été élu chef du Parti conservateur du Canada (PC) le 10 septembre. Une victoire dès le premier tour, un fait significatif pour Félix Mathieu, professeur adjoint en sciences politiques à l’Université de Winnipeg.
« Les résultats sont impressionnants. Pour Erin O’Toole, ancien chef du PC et défait en février, il avait fallu attendre plusieurs tours avant que son élection soit déclarée. Pierre Poilievre a obtenu la majorité dans les 330 circonscriptions sur les 338. On voit qu’il est bien en selle, il a l’appui d’une très forte majorité du Parti. Ce n’est pas nécessairement ce à quoi on s’attendait au début de la course à la chefferie. »
Après un vote de confiance, Erin O’Toole a été défait en février comme chef du PC, durant sept mois c’est Candice Bergen qui a assuré l’intérim comme cheffe du PC.
Félix Mathieu a déjà remarqué un changement dans la narrative du nouveau chef de parti. « En écoutant son discours de victoire, ce qui me marque, c’est qu’il y a déjà un travail de recentrage de son discours. Il n’a pas été, une fois, question de Bitcoin, de congédier le directeur de la Banque du Canada ou encore de convoi de la liberté. On voit que tout ce qui se rapporte de près ou de loin à des théories du complot, qui peuvent trouver écho chez certains soutiens, n’a pas été abordé dans son discours. Au contraire, on est allé dans des thèmes rassembleurs comme par exemple lutter contre le gouvernement de Trudeau. »
Pour Félix Mathieu, le discours de Pierre Poilievre s’est fait de manière très habile. « M. Poilievre arrive à trouver précisément l’angle à partir duquel il peut réconcilier les bases au Québec et dans l’Ouest canadien. Ce travail a toujours été délicat pour les anciens chefs conservateurs même avec Stephen Harper où on allait courtiser le Québec avec un discours en français sans forcément le répéter en anglais. Alors qu’ici avec M. Poilievre, au contraire, tout ce qui était dit en français sur le Québec était répété en anglais.
« Il a réussi dans son discours à présenter la promotion de la spécificité culturelle québécoise non pas comme l’enfant gâté de la confédération mais bien comme cette société qui parvient à faire front au wokisme du gouvernement fédéral. Il a tapé dans le mille par rapport à ce qui plaît dans l’électorat de l’Ouest canadien. »
Félix Mathieu soutient cette idée que le Pierre Poilievre est habile dans sa manière de s’exprimer sur des sujets qui peuvent être controversés au sein du Parti conservateur. « Justin Trudeau parle souvent de la diversité qui fait la fierté du Canada. Pierre Poilievre est arrivé après l’annonce de sa victoire sur la scène avec sa femme Anaida, il a prononcé quelques mots en espagnol sur le ton humoristique. Il s’est présenté comme un candidat de la diversité, une carte qu’il n’avait pas joué auparavant. Il ne le fait pas de la même manière que Justin Trudeau. Mais c’est un élément qui peut en rassurer certains qui n’étaient pas réellement au courant de qui était ce candidat. »
Il reste maintenant à voir ce que Pierre Poilievre va pouvoir amener pour les électeurs du Parti conservateur au travers du Canada. Le professeur de sciences politiques donne quelques pistes de réflexions. « On le voit dans l’Ouest canadien, en Saskatchewan ou encore en Alberta, il y a des discours de souveraineté, les gouvernements veulent de plus en plus d’autonomie. On n’entend pas ce discours au Manitoba. Il va être intéressant de voir si la Province va faire bande à part, si c’est le cas, Pierre Poilievre va avoir un travail de séduction à mettre en œuvre pour conquérir l’électorat manitobain. »