DOSSIER – Au Canada, les établissements universitaires pour les francophones sont issus de l’époque des petits séminaires, des couvents, des collèges et du cours classique. Ils sont souvent l’œuvre des congrégations religieuses.

Andréanne Joly – Projet spécial

Comme les journaux de langue française en milieu minoritaire, ils existent parfois depuis plus de 150 ans : l’Université d’Ottawa, au cœur du pays, en 1848, l’Université Sainte-Anne, sur l’Atlantique, s’est dessinée en 1860, l’Université de Saint-Boniface, dans les plaines, en 1871.

Depuis les années 1990, des collèges communautaires de langue française assurent des formations plus techniques. En 2018-2019, plus de 32 000 étudiants fréquentent les collèges et universités de la minorité franco-canadienne.

Aujourd’hui, 17 établissements universitaires offrent des programmes en français, dans les provinces où domine l’anglais Six d’entre eux sont des environnements francophones, tant au plan de l’administration que l’enseignement.

Université Sainte-Anne. (photo : usainteanne.ca)

Établissements bilingues ou de langue française?

Parmi ces établissements de la minorité, plusieurs sont de langue française, d’autres, bilingues.

À l’époque de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (les années 1960), l’argument du bilinguisme servait à assurer la protection des groupes universitaires de la minorité en valorisant l’une de ses caractéristiques : la connaissance des deux langues officielles du pays », écrivait l’historien Gratien Allaire en 2002. « Il servait également au gouvernement provincial ontarien à démontrer sa bonne volonté envers la population de langue française. »

Pourtant, les Franco-Ontariens sont très peu nombreux à occuper des postes de cadres et de professeurs dans les établissements universitaires bilingues.

En 1971, une Commission sur l’éducation postsecondaire en Ontario fait l’apologie d’une éducation bilingue. Elle rappelle cependant l’importance de l’accès à l’éducation dans la langue maternelle, exhorte les universités bilingues à veiller au développement de leurs programmes en français et le Collège Glendon, associé à l’Université York, à « adapter ses programmes pour qu’ils correspondent plus étroitement aux intérêts de la population franco-ontarienne du sud de l’Ontario. »

Pour Gratien Allaire, ce bilinguisme institutionnel est franchement désuet. « [Il] a tendance à jouer en faveur de la majorité », plaidait-il en 2002.

Serge Dupuis, Alyssa Jutras-Stewart et Renée Stutt relèvent d’ailleurs la rareté de ce modèle. Au Canada français, en situation minoritaire, on trouve des établissements bilingues en Ontario, pas ailleurs. « Les autres communautés de langue officielle en situation minoritaire ont des facultés, des collèges universitaires ou des universités autonomes », relèvent-ils. Encore, il y en a très peu à l’international.

« L’idéal à atteindre », pour le professeur Gratien Allaire, « c’est une université gérée par des francophones. C’est la gestion par les francophones de leurs propres affaires. »

Université Laurentienne. (photo : Page Facebook)

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Le défi des nombres

La chercheuse Mariève Forest estime cependant que presque autant de francophones en milieu minoritaire ont fait des études postsecondaires en anglais « notamment par manque d’accès aux études en français et par manque d’intérêt à l’égard des études en français ». À ces facteurs s’ajoutent l’éloignement des établissements, l’offre limitée de programmes (concentrés en sciences humaines) et l’insécurité linguistique.

La ministre des Langues officielles du Canada a d’ailleurs reconnu en 2022 les difficultés du postsecondaire en situation minoritaire, et les médias communautaires leur ont consacré des pages entières.

Par exemple, pour des raisons financières, l’Université Laurentienne (Ontario), l’Université de Moncton (Nouveau-Brunswick) et le Campus Saint-Jean (Alberta) ont sacrifié des programmes en français ou procédé à des compressions. Même la toute nouvelle Université de l’Ontario français a failli être sabordée par la province quelques mois avant son ouverture.

Campus St-Jean. (photo : Le Franco)

Lors du Sommet des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire (auquel Francopresse a consacré un dossier), en mars 2022, les participants ont convenu de l’importance d’accroitre le financement qui stagne depuis 2008. Certains, dont le commissaire aux langues officielles du Canada et ex-recteur de l’Université de Moncton, Raymond Théberge, espèrent carrément une révision du modèle de financement.

Pour en savoir plus

Trouvez un cahier téléchargeable regroupant les contenus du dossier « Médias communautaires et luttes scolaires au Canada français en situation minoritaire » au www.reseaupresse.media/colloque-international