Au Canada, depuis les appels à l’action émis par la Commission de vérité et réconciliation, plusieurs organismes veillent à instaurer une politique interne de décolonisation. Dans le même esprit, la Métisse* Arianne Mulaire tisse des liens entre Métis et Allochtones.

Par Ophélie DOIREAU

Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté

Arianne Mulaire est depuis peu directrice administrative de l’Union nationale métisse Saint- Joseph du Manitoba, un poste qu’elle définit elle- même comme « un travail de facilitation ».

Arianne Mulaire est Métisse, originaire de la Rivière-Rouge. Depuis quelques années, elle s’interroge sur la place des Métis dans le processus de vérité et de réconciliation.

Pour cette deuxième Journée nationale de la vérité et la réconciliation, elle donne quelques pistes que les Allochtones peuvent explorer.

« C’est une journée de reconnaissance de nos ancêtres qu’on n’a jamais connus, qui sont partis sans vivre pleinement leur vie et leur identité. Ou bien qui ont eu une partie de leur vie arrachée.

« Dans le contexte de la vérité et de la réconciliation, beaucoup d’attention est mise sur les personnes décédées ou sur les survivants des pensionnats autochtones. Mais d’autres réalités ont été vécues par des personnes qui n’ont pas été dans les écoles. On a perdu beaucoup de notre culture à cause du racisme qui prévalait dans le temps.

«Il y a des pans entiers de ma culture que je n’ai pas connus, parce que c’était mal vu d’être Métis, bien qu’on ait toujours été là et qu’on ait toujours eu une présence. Cette journée de réconciliation, c’est une incitation à réfléchir à toutes ces réalités et pas seulement à réfléchir sur les pensionnats autochtones.

« J’ai vécu la première journée nationale à Ottawa. Et je m’étais dit : OK, c’est la première année, ça va être un peu boueux. Quelque part, je m’attendais à ce que ce soit un peu maladroit. Il y a des Autochtones qui se faisaient solliciter le jour même pour proposer des ateliers dans les écoles. Je ne trouvais pas ça convenable. C’est notre journée. Donc est-ce qu’on peut l’avoir et juste nous laisser prendre le temps en famille?

« Les non-Autochtones ne savent pas quoi faire, où aller et comment vivre la journée. Il y a un manque d’éducation sur la façon dont le passé affecte la société dans son ensemble, pas juste sur les Autochtones. Pour les Allochtones, je pense que c’est une bonne direction de se demander : Qu’est-ce qu’on manque aujourd’hui à cause de ce qui est arrivé par le passé? Et comment venir en appui aux Autochtones sur ce qu’ils sont en train de faire? Il s’agit de venir en appui, pas de nous sauver. »

Pas un groupe à part

Arianne Mulaire a donné l’occasion quelques conférences pour tenter de faire réfléchir sur l’identité Métisse. Elle a remarqué au cours de plusieurs échanges que les Métis étaient à tort vus comme un groupe à part des Autochtones. Elle dénonce cette séparation entre Métis et Autochtones. À ses yeux elle n’a pas lieu d’être. « Dans le travail de la Commission de vérité et réconciliation, ils ont vraiment regardé aux pensionnats autochtones. Quand ils disent Autochtones, ils pensent Premières Nations. Ils ne pensent pas Métis, parce qu’on n’a pas été représentés dans ce dossier.

« On se voit une nouvelle fois oubliés dans le contexte des personnes autochtones. Le gouvernement fédéral s’est excusé auprès des Premières Nations et des Inuits. Mais encore une fois : où sont les Métis dans tout ça? Le gouvernement ne nous accorde pas beaucoup d’espace. On est encore en train de devoir faire valoir les besoins des Métis francophones, de demander la reconnaissance de la souffrance vécue par les Métis.

«On dirait qu’il y a un manque de connaissances par rapport à qui on est. Malheureusement, je pense que notre voix est mal entendue. »

Une identité propre, une réalité propre : voilà ce qu’Arianne Mulaire tente de faire comprendre par le biais de différentes initiatives de sensibilisation. Elle déplore également la linéarité dans laquelle est pensée la réconciliation.

« La visite du Pape a eu lieu. Il y a déjà eu beaucoup de critiques là-dessus, ça ne sert à rien d’en ajouter. Certaines personnes en avaient besoin, d’autres non. D’autres encore se sont senties à nouveau traumatisées en voyant le Pape sur leurs terres. Je trouve que toutes les réactions sont légitimes. Dans ma pensée, dans certains cas pardonner est plus important que d’entendre des excuses. »

Des réalités uniques

En partageant avec des Métis anglophones de la Saskatchewan et de l’Alberta, Arianne Mulaire a constaté que « leur réalité est assez différente de celle du Manitoba, parce qu’on a ce lien historique avec Louis Riel. Et aussi à cause de la manière dont on s’est battu pour nos droits, comment on a obtenu jusqu’à un certain point des droits qui reflétaient la réalité Métisse et francophone.

« Quand moi je parle, je parle de ma réalité comme Métis francophone du Manitoba. Je ne peux pas parler pour la réalité de mes amis du Nord de l’Alberta.

« Le vécu dans les trois provinces des Prairies a été vraiment différent. Il faut absolument reconnaître cette différence, qui fait qu’on a des voix et des parcours uniques. »

* L’utilisation du M majuscule est employée à la demande de l’intervenante.