Dans cette course pour devenir maire de Winnipeg, très peu de candidats sont des inconnus. Rana Bokhari ne fait pas exception. Elle a, entre autres, été la cheffe du Parti libéral du Manitoba de 2013 à 2016. Par volonté de placer les gens en premier, elle se présente pour devenir maire de Winnipeg.
Par Ophélie DOIREAU
Initiative de journalisme local – Réseau.Presse – La Liberté
Seulement deux femmes se sont présentées pour tenter de devenir la prochaine maire de Winnipeg (1). Rana Bokhari regrette d’ailleurs ce manque de représentativité. « N’avoir seulement que deux candidates femmes dans cette course en dit long. Je sens forcément un traitement différent par rapport à mes homologues masculins. Nos voix ne sont pas entendues ni amplifiées. Alors qu’on a des choses à partager, notre genre ne devrait pas compter dans cette course à la mairie. »
Elle pointe d’ailleurs les obstacles qui peuvent être présents dans plusieurs espaces décisionnaires. « En regardant l’évolution démographique de Winnipeg, il y a de plus en plus de femmes qui deviennent de plus en plus vocales sur des enjeux de société. Parfois, la société n’est pas prête à laisser ces femmes entrer dans les sphères propices à se faire entendre.
« Avec ma candidature, je voulais justement commencer à pousser les barrières pour avoir cet espace. »
Par activisme, Rana Bokhari souligne que sa priorité, si elle est élue, sera « les personnes ». L’avocate plaide d’ailleurs pour un respect des droits humains. « Il faut immédiatement changer de stratégie pour s’occuper des Winnipégois. C’est une stratégie qui doit être faite en collaboration pour la dignité humaine.
« On doit travailler sur la pauvreté, sur l’itinérance, sur les addictions et la santé mentale. Si on ne se concentre pas sur ces enjeux, qu’importe ce qu’on fera, qu’importe les rêves pour Winnipeg, on n’y arrivera pas. En 2022, ce sont ces enjeux qui sont prioritaires. On doit redonner une dignité humaine à tous les Winnipégois. »
| Site de consommation supervisé
Rana Bokhari a d’ailleurs déjà quelques idées qu’elle souhaiterait mettre en place.
« Je veux un site de consommation supervisé. À Winnipeg, on trouve des drogues comme la méthamphétamine, le fentanyl. Ce sont des drogues qui doivent être traitées de manière spécifique. Il faut pouvoir donner un espace sécuritaire aux personnes qui sont aux prises avec des drogues. »
Au printemps 2021, une discussion avait eu lieu à la Ville de Winnipeg au sujet de l’ouverture d’un site de consommation supervisé. Un rapport de l’administration avait été présenté au Comité de la protection, des services communautaires et des parcs de la Ville de Winnipeg. Cependant, l’ancien premier ministre manitobain, Brian Pallister s’y est montré réticent.
| Criminalisation des gens
Pour Rana Bokhari tout le problème réside dans la tendance à criminaliser les gens. « Ce qui bloque c’est la volonté politique. Il faut de la compassion dans les sites de consommation supervisés. C’est pour ça qu’il faut des travailleurs sociaux, des intervenants en toxicomanie et des travailleurs en santé mentale.
« Les addictions c’est une crise sanitaire. Il faut arrêter de criminaliser les addictions. Criminalisons les drogues s’il le faut. Mais arrêtons de criminaliser la pauvreté, la santé mentale, l’itinérance. Ce n’est pas une question criminelle, c’est une question de droits humains. »
En travaillant sur ces enjeux, la candidate est convaincue qu’il y aura un effet domino sur des enjeux tels que l’infrastructure, les transports actifs. « Qu’on parle de taxe, d’infrastructure, il y a des gens derrière ça. Il faut se concentrer sur les gens, sinon la ville n’avancera pas. »
| Place des francophones au Manitoba
Elle partage d’ailleurs ce point de vue sur la question linguistique. « Les francophones font partie de Winnipeg. Les Winnipégois sont tellement préoccupés par leur propre réalité et par tous les enjeux de coûts de la vie, de la famille, des addictions et d’autres encore. Si on règle les problèmes de dignité humaine, la question de la préservation de langue, de valorisation de la langue pourra être discutée sérieusement et pas au second plan.
« Je reconnais l’importance de la langue française et de la place des francophones au Manitoba. »
(1) L’autre candidate est Jenny Motkaluk.