FRANCOPRESSE – La Commission sur l’État d’urgence entendra des témoins quotidiennement pendant six semaines. L’objectif, déterminer si le recours à la Loi sur les mesures d’urgence par le fédéral était pertinent pour stopper le mouvement des camionneurs en février dernier. La plupart des témoins entendus au premier jour d’audience souhaitaient « tenir le gouvernement responsable ».

Inès Lombardo – Francopresse

Cette Commission sur l’État d’urgence, qui a débuté le 13 octobre, promet de faire couler beaucoup d’encre d’ici le 25 novembre. Les audiences, publiques et tenues dans le bâtiment de la Bibliothèque et Archives Canada (BAC), accueilleront en tout une soixantaine de témoignages, dont le premier ministre Justin Trudeau. Le président de la Commission, le juge franco-ontarien Paul Rouleau, a précisé que faute de temps, ce ne sera « pas tous les témoins appelés ne seront forcément entendus ».

Au premier jour d’audience, à peine la moitié des sièges étaient occupés par le public, la plupart étant des représentants des parties ou proches de parties représentées. Seule une poignée de sympathisants au convoi des camionneurs étaient présents devant le lieu de la Commission. Parmi ceux-ci, l’une des organisatrices du « Convoi de la liberté », Tamara Lich.

Une douzaine d’avocats et juristes, représentants du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, d’organisations civiles et citoyennes, de résidents d’Ottawa, de manifestants, de la police provinciale et de personnes autochtones, ont défilé devant l’édifice où se tient la commission. Tous se sont questionnés sur le fondement et la pertinence de l’invocation à la Loi sur les mesures d’urgence.

: À droite, Tamara Lich, l’une des organisatrices du « Convoi de la liberté », assistait au premier jour d’audiences publiques accompagnée de l’une de ses avocates. (Photo : Inès Lombardo – Francopresse)

« Une enquête, pas un procès »

C’est le but de la Commission, a expliqué le commissaire, Paul Rouleau. L’objectif est de « trouver des réponses aux questions du Parlement » en évaluant les explications du gouvernement fédéral sur l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. Mandatée à la fois par le Parlement et le Cabinet du premier ministre, la Commission est chargée de faire la lumière sur la pertinence du recours à cette Loi.

Le juge Rouleau en a profité pour rappeler la nature de la Commission, un « organisme indépendant nommé par le gouvernement fédéral et chargé d’enquêter » sur les évènements liés au convoi des camionneurs au pays, notamment à Ottawa, Windsor et Coutts. « La Commission a un but social important, dont la première fonction est d’établir les faits. Le public a le droit de savoir ce qui s’est passé », a précisé le commissaire.

Dans un second temps, la Commission fera des recommandations, basées sur les preuves et témoignages.

« Je ne siège pas comme juge […] et ce n’est pas un procès, mais une enquête », a insisté le commissaire Rouleau. Il identifie deux défis que rencontrera la Commission : d’une part, la durée. « Nous avons peu de temps, il y aura peu de place pour l’air ». Il a aussi évoqué l’accès aux documents du gouvernement fédéral, qui a été difficile, certaines pièces ayant été caviardées. « Les documents ont afflué jusqu’à aujourd’hui. Nombreux sont classifiés », a développé Paul Rouleau. En plus des documents fédéraux, plus de 50 000 documents provinciaux ont été déposés à la Commission.

La salle où se dérouleront les audiences publiques quotidiennes de la Commission sur l’état d’urgence au cours des six prochaines semaines. (Photo : Inès Lombardo – Francopresse)

Les provinces « ignorées »

Au premier jour d’audience, les gouvernements de la Saskatchewan et de l’Alberta ont ouvertement critiqué la décision du gouvernement fédéral de décréter l’état d’urgence.

Le représentant du gouvernement de la Saskatchewan a décrit le jour de l’appel du gouvernement fédéral à la province, le 14 février : « C’est la première fois que le fédéral a dit à la Saskatchewan de déclarer l’État d’urgence dans la province. La Saskatchewan a refusé, de même que les autres provinces. Plus tard dans la journée, le fédéral a proclamé l’état d’urgence. Et ce n’était pas délimité géographiquement, comme la province l’avait demandé ».

Les représentants légaux provinciaux de l’Alberta, dont les défis pendant les manifestations se sont concentrés à Coutts, ont ajouté que les « outils de la police étaient insuffisants », notamment pour résoudre les défis aux frontières et qu’il n’y avait « aucune preuve que l’invocation de la Loi sur les mesures d’urgence est nécessaire ».

L’avocate du gouvernement albertain, Mandy England, a précisé : « La Loi sur les mesures d’urgence spécifie que toutes les provinces soient consultées, mais elles ont été ignorées ». Cette consultation est spécifiée à l’article 25 (1) de la Loi sur les mesures d’urgence.

Les travaux de la Commission sur l’état d’urgence se poursuivront jusqu’au 25 novembre.