Le taux inflation continue d’être préoccupant, bien qu’en légère baisse (6,9% en septembre).

Par Raymond CLÉMENT

Certains politiciens accusent le gouvernement fédéral d’avoir trop dépensé pendant la pandémie et reprochent à la Banque du Canada d’avoir injecté trop d’argent dans l’économie. Ces détracteurs vont un peu vite en besogne.

La réalité est beaucoup plus complexe

L’inflation actuelle est une conséquence d’une série d’évènements. D’abord dès 2020 la pandémie a entraîné une pression inflationniste due à une pénurie de biens liée aux problèmes dans les chaînes d’approvisionnement. Ensuite il y a les effets dus à une sècheresse et une canicule dans plusieurs régions du monde. S’ajoute à ces phénomènes climatiques la guerre lancée par la Russie contre l’Ukraine au début de cette année.

L’inflation que nous subissons a commencé du côté de la demande. En effet, la relance économique post-pandémie a été plus forte qu’anticipée. Maintenant l’inflation est nourrie par une offre trop faible à l’échelle mondiale à cause des séries d’évènements malheureux mentionnés.

Les entreprises nous assurent qu’elles font simplement répercuter la hausse des coûts qu’elles subissent. Mais dans bien des domaines, on voit que des entreprises enregistrent des profits exorbitants du fait qu’elles sont en position de force.

Par exemple, le secteur canadien de l’alimentation est contrôlé par seulement trois grandes chaînes d’épiceries. Facile alors de pratiquer des prix abusifs. On pourrait même aller jusqu’à soupçonner des pratiques de collusion entre les trois géants de l’alimentation.

En tous les cas, c’est un fait incontournable : le haut taux d’inflation est essentiellement alimenté par les hausses des prix de l’énergie et de l’alimentation.

Face à la dure réalité, le choix d’agir sur les taux d’intérêt

Une hausse des taux d’intérêt ne fait rien pour augmenter la production en énergie et en nourriture. Une hausse des taux d’intérêt pourrait même causer plus de faillites d’entreprises. C’est pourtant la voie choisie.

La politique monétaire est l’outil qu’une banque centrale utilise pour freiner les prix lorsque l’économie est en surchauffe. Elle ne fonctionne pas bien quand la hausse des prix provient de facteurs extérieurs ou quand la hausse des prix vient du côté de l’offre. Alors l’arme fiscale est trop lente pour produire des résultats satisfaisants.

Malgré tout, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada préfèrent en ce moment augmenter les taux d’intérêt et accepter un ralentissement de l’économie, voire même une récession, plutôt que de voir l’inflation s’envoler et alimenter la spirale ascendante prix-salaires. Un phénomène qui a laissé des mauvais souvenirs dans les années 1970.

Et c’est pourquoi la Banque du Canada fait contre mauvaise fortune bon coeur : l’institution nous annonce qu’elle va bientôt encore hausser le taux directeur d’au moins 75 points et procéder à une autre augmentation en décembre. Le taux directeur est maintenant à 3,25 %. Il était à seulement 0,50 % en février.

La Banque centrale a déjà haussé son taux de base cinq fois en 2022. C’est plus que n’importe quelle autre banque centrale au monde. Depuis le début des années 1990, la politique monétaire de la Banque du Canada ciblait avec succès un taux d’inflation autour des 2 %. Une cible qui lui a clairement échappé. Une récession sera-t-elle le lourd tribut à payer pour juguler l’hydre de l’inflation?