FRANCOPRESSE – L’opposition conservatrice a déposé une motion pour convoquer trois ministères qui n’ont pas collaboré avec le directeur parlementaire du budget, à propos du budget du projet de loi C-13. Ces ministères ont refusé de communiquer l’information demandée en invoquant « à tort » qu’elle n’était pas publique. Une motion que les libéraux ont tenté de faire échouer, sans succès.
Inès Lombardo – Francopresse
Yves Giroux, directeur parlementaire du budget était l’un des témoins cités à comparaitre jeudi devant le Comité permanent des langues officielles. Il a exposé aux membres le manque de collaboration de trois ministères, soit le Conseil du Trésor, Patrimoine canadien ainsi qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Dans son rapport déposé le 2 juin dernier, le directeur parlementaire du budget explique que les trois ministères ont refusé de lui envoyer des précisions sur les 16 millions de dollars prévus au budget de 2022 pour la mise en œuvre initiale du projet de loi C-13. Or, cette information lui aurait été utile pour l’aider à établir une estimation juste des couts de cette mesure législative.
« [Ces ministères] ont refusé, sous prétexte que l’information n’était pas disponible publiquement. Il y a quelques exceptions qui indiquent les circonstances dans lesquelles les ministères peuvent refuser de divulguer l’information, mais le fait qu’elle ne soit pas publique n’en fait pas partie », a fait valoir Yves Giroux.
Le porte-parole en matière de langues officielles au cabinet fantôme du Parti conservateur, Joël Godin, a déposé une motion pour convoquer les ministres en question devant le comité, afin qu’ils s’expliquent sur leur refus de fournir l’information.
Texte de la motion conservatrice :
« Que, dans le cadre de son étude sur le projet de loi C-13, le comité renouvelle son invitation à comparaître aux ministres des Langues officielles, du Patrimoine canadien, du Secrétariat du Conseil du Trésor et d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. » La date n’a pas encore été fixée par le Comité.
Le libéral Francis Drouin a voulu amender cette motion jeudi pour « que le projet de loi soit rapporté en Chambre avant Noël » dans une volonté de le faire adopter rapidement, ce que la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, ne cesse de marteler.
Joël Godin, vice-président du comité et porte-parole conservateur en matière de langues officielles, et les membres de son parti se sont opposés à ce souhait sans cacher leur impatience : « Nous collaborons, mais on n’accélèrera pas un projet de loi qui va être historique. Notre intention est de commencer l’analyse article après article de C-13. »
Les députés Mario Beaulieu du Bloc québécois et Niki Ashton du Nouveau Parti démocratique leur ont emboité le pas. « Nous sommes pour l’efficacité, mais il faut le faire d’une bonne façon. C’est ce qu’on demande à chaque comité. Je me demande pourquoi les libéraux ne veulent pas entendre les trois ministres aussi tôt que possible », s’est interrogée Niki Ashton.
Ces déclarations ont poussé Francis Drouin à retirer son amendement à la motion conservatrice, qui a été finalement adoptée à l’unanimité.
« On peut avoir un très bon Plan d’action sans que la loi soit adoptée »
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), présente au Comité à titre d’observatrice, est du même avis que l’opposition : « C’est important d’aller rapidement, mais je pense surtout qu’il faut bien faire les choses, a affirmé Liane Roy, présidente de la FCFA. […] Il faut que les ministres viennent pour répondre aux questions des partis. Les partis de l’opposition doivent être à l’aise pour adopter un projet de loi. »
Même si le projet de loi n’est pas adopté avant Noël, Liane Roy ne s’inquiète pas des conséquences sur le Plan d’action pour les langues officielles : « Oui, la loi et le Plan d’action sont reliés, mais on peut avoir un très bon Plan d’action sans que la loi soit adoptée. »
Elle ajoute que « ce n’est pas l’idéal, c’est vrai, mais les grandes lignes de la Loi sont là, les fondements ne vont pas changer. On parle d’une politique en immigration francophone dans C-13. La ministre a déjà dit qu’il y allait en avoir une. Il n’y a pas besoin d’attendre C-13 pour l’avoir. »
Si on sait déjà ce qui va être mis en place, autant prévoir des fonds pour le Plan d’action dès maintenant, a-t-elle résumé.
L’inquiétude de la FCFA est plutôt de savoir si des fonds vont être affectés au Plan d’action, notamment aux organismes francophones. Selon Liane Roy, « la ministre Freeland a déjà dit que le robinet était fermé, pas juste pour le Plan d’action, mais pour l’ensemble des projets spéciaux du gouvernement ». La FCFA demande en effet 300 000 millions de dollars pour les organismes francophones.
Si les fondements de la Loi ne changent pas, pourquoi est-il important de rajouter du temps et des témoins en comité pour « bien faire les choses »?
« C’est que la partie importante après les témoins, c’est l’étude de C-13 article par article, assure Liane Roy. C’est là que les grandes discussions doivent avoir lieu, c’est là qu’on va voir si certains partis veulent apporter des amendements. »
Elle a toutefois tenu à se faire rassurante : « On n’entend pas dire qu’il y a des amendements qui circulent, mais juste des améliorations sur ce qui est déjà dans C-13. »
La FCFA était présente jeudi à titre d’observatrice pour le passage devant le comité de l’un de ses membres, soit l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). Si cette dernière a appuyé les recommandations de la FCFA, elle a toutefois insisté sur un point : l’urgence d’adopter le projet de loi C-13.
« Je ne veux pas voir la prochaine génération avoir la même discussion que nous avons en ce moment », a prévenu Pierre Asselin, directeur de l’ACFA. Ce dernier a rappelé que la situation est mauvaise en Alberta, du fait de l’absence de secrétaire parlementaire à la francophonie dans le nouveau cabinet de la première ministre Danielle Smith.