Ce dossier emblématique a cristallisé l’attention à la conférence sur le climat de Charm el-Cheikh, au sortir d’une année 2022 marquée par une recrudescence inédite des catastrophes climatiques, inondations, sécheresses ou méga-feux…

Mais les discussions sont bloquées aussi sur d’autres dossiers comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique et l’avenir des financements climatiques en général.

“Je suis toujours préoccupé par le nombre de questions non résolues”, a lancé devant les délégués réunis en plénière le président égyptien de la conférence sur le climat, Sameh Choukri, annonçant que les travaux, prévus pour s’achever vendredi, se prolongeraient jusqu’à samedi.

“Vitesse supérieure”

M. Choukri a appelé les parties à “passer la vitesse supérieure” et à “travailler ensemble pour résoudre ces questions aussi rapidement que possible”.

Les blocages persistant après deux semaines d’une conférence débutée avec les mêmes contentieux depuis longtemps identifiés, de nombreux délégués critiquent sous couvert d’anonymat la conduite des négociations par la présidence.

Le dossier des “pertes et dommages” déjà subis par les pays les plus pauvres, peu responsables du réchauffement mais souvent en première ligne face à ses impacts, semble toutefois avancer.

Les pays en développement avaient fait bloc pour présenter une demande de création d’un mécanisme financier dédié pour les aider à y faire face.

Une proposition de résolution sur la question, publiée jeudi, suggère trois options, dont une actant le principe de création d’un fonds, dont les mécanismes exacts de fonctionnement seront ensuite déterminés.

Option jugée vendredi acceptable “avec quelques changements” par la ministre pakistanaise du Changement climatique, Sherry Rehman, présidente en exercice du puissant groupe de négociations G77+Chine.

Les pays riches étaient depuis des années très réticents à l’idée d’un financement spécifique, craignant d’être confrontés à une responsabilité légale qui pourrait entraîner des dédommagements illimités.

Mais jeudi, l’Union européenne a fait une ouverture, acceptant le principe d’un “fonds de réponse aux pertes et dommages”.

Un accord assorti de conditions, notamment qu’il soit réservé aux “plus vulnérables” et ait une “base de contributeurs élargie”. En d’autres termes des pays émergents disposant de moyens conséquents comme la Chine.

Les Européens, appuyés par d’autres groupes, réclament aussi la réaffirmation d’objectifs forts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

“Il reste des points techniques qu’il sera vital de clarifier (…) pour que le fonds puisse réellement remplir sa fonction”, souligne toutefois Yeb Sano, directeur de l’ONG Greenpeace pour l’Asie du sud-est.

“L’heure de vérité”

Mais deux protagonistes importants n’ont toujours pas fait connaître publiquement leur réaction.

Les Etats-Unis, première puissance économique et deuxième pollueur mondial, sont jusqu’à présent opposés à un fonds spécifique. Le département d’Etat s’est refusé vendredi à tout commentaire.

Et la Chine, premier pollueur et deuxième puissance économique, qui ne veut pas être mise sur la sellette, reste publiquement très discrète.

“C’est l’heure de vérité”, a dit à l’AFP Rachel Cleetus, économiste en chef de l’ONG américaine Union of Concerned Scientists. “La Chine et les Etats-Unis peuvent débloquer ce dossier dans les 24 dernières heures.”

Toutes ces discussions financières se déroulent dans un contexte de grande méfiance, les pays riches n’ayant jamais tenu un engagement de 2009 de porter à 100 milliards de dollars par an les financements à destination des pays en développement pour l’adaptation au dérèglement climatique et la réduction des émissions.

La présidence égyptienne a publié vendredi matin un nouveau projet de texte final, qui devait être encore amendé.

Sur un autre chapitre délicat, la réduction accrue des émissions responsables du réchauffement, ce texte réaffirme la résolution “à poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5°C”, se référant clairement aux objectifs de l’accord de Paris.

Pierre angulaire de la lutte contre le changement climatique, cet accord de 2015 vise à limiter le réchauffement de la planète “nettement en dessous de 2°C” par rapport à l’ère pré-industrielle, et si possible à 1,5°C.

Mais les engagements actuels des différents pays sont loin de permettre de tenir cet objectif. Selon les analyses de l’ONU, ils permettent au mieux de limiter le réchauffement à 2,4°C d’ici à la fin du siècle.

Côté énergie, le texte réaffirme la nécessité de réduire l’utilisation du charbon sans systèmes de capture de CO2 et s’attaque aux subventions “inefficaces” aux énergies fossiles, sans mentionner une réduction de l’utilisation du pétrole ou du gaz, que réclamaient de nombreux pays.

so/jmi/uh/tp