Depuis le début du mois de novembre, l’hôpital pédiatrique de Winnipeg et notamment ses urgences se sont vu engorgés en raison d’un nombre de cas record de virus respiratoire chez les enfants. Alors que le débat autour du port du masque reprend de la voix, à quoi faut-il s’attendre quant à la suite des évènements?

Par Hugo BEAUCAMP

L’aile pédiatrique du Centre des sciences de la santé de Winnipeg a enregistré 201 visites, le 13 décembre, un chiffre qui n’avait pas été atteint depuis plusieurs années. Le phénomène n’est d’ailleurs pas endémique au Manitoba puisqu’il s’étend à toutes les autres provinces du pays. En cause, une explosion du nombre d’infections de virus respiratoire, dont parle le Dr Philippe Lagacé-Wiens, spécialiste en microbiologie médicale, diagnostic et développement des maladies infectieuses à l’Hôpital Saint- Boniface. « Ce sont en fait deux virus qui sont responsables. Celui de la grippe mais aussi le Virus Respiratoire Syncytial (VRS).

« Alors que la grippe provoque principalement des symptômes de toux et de fièvre, le VRS est un virus qui infecte majoritairement les jeunes enfants de moins de cinq ans.

« Il peut parfois provoquer une bronchiolite qui est une maladie des voies respiratoires. Elle peut donc amener des difficultés à respirer qui peuvent être conséquentes pour les plus jeunes. Les hospitalisations sont assez rares en temps normal, mais une attention médicale est nécessaire. »

| Une corrélation avec la COVID-19

Pourtant, à travers tout le pays, la situation semble hors de contrôle, alors comment explique-t-on qu’on en soit arrivé là? Pour le spécialiste, les raisons sont multiples. « Depuis la pandémie de COVID-19, le monde médical souffre d’une hémorragie de personnel. Les infrastructures de santé ne disposent plus des ressources humaines nécessaires pour faire face à la pression. De plus, les familles ont plus difficilement accès à leur médecin alors quand leurs jeunes enfants tombent malade, ils vont chercher de l’aide auprès des hôpitaux et des services d’urgences. »

Le Dr Philippe Lagacé-Wiens souligne aussi une corrélation plus directe avec la COVID-19 : « En raison du port du masque et plus largement des restrictions sanitaires, il y a eu beaucoup moins de cas de grippe et de VRS sur les trois dernières années. Les systèmes immunitaires ont donc perdu en résistance face à ces virus-là. Concernant le VRS, ce dernier infecte généralement les enfants pendant les deux ou trois premières années de leur vie, on se retrouve donc aujourd’hui avec un nombre d’enfants infectés bien plus large que ce qu’il ne devrait être. » Par conséquent, si le groupe infecté est plus large, alors il en va de même pour le nombre de cas sévères.

En tout cas, le médecin insiste, il ne s’agit pas là de nouveaux virus, bien au contraire. « Ce sont des virus saisonniers. On l’anticipe tous les ans au début du mois de novembre jusqu’à décembre, seulement cette année, la saison a commencé plus tôt que prévu. » En particulier au Québec où le VRS circule depuis mi-juillet.

| Un masque pour inverser la tendance?

Résultat, des hôpitaux qui ont à peine les moyens humains de supporter la pression d’une épidémie saisonnière, sont ici pris par surprise. À cela s’ajoute également la pénurie globale de certains médicaments comme l’amoxicilline, un antibiotique, mais aussi d’antipyrétique (médicaments luttant contre la fièvre) et particulièrement pour les doses d’enfants. « Les manufacturiers eux aussi anticipent l’épidémie saisonnière, mais cette année tout a été décalé de quelques mois. Dans l’hémisphère Sud, notamment en Australie, ils sortent de leur pire saison de grippe. Les stocks n’étaient donc pas suffisants et ont été épuisés rapidement. »

Naturellement, le débat autour du port du masque s’est alors intensifié ces dernières semaines. En veut pour preuve les déclarations de Kieran Moore, médecin hygiéniste en chef de l’Ontario, qui recommandait fortement le retour du masque dans les espaces publics à la mi-novembre. Seulement voilà, les recommandations ne semblent pas suffire, alors faut-il le rendre de nouveau obligatoire?

Pour le Dr Lagacé-Wiens, l’efficacité du port du masque n’est plus à prouver : « les virus qui pullulent actuellement avait presque totalement disparu pendant les restrictions. Même si rien n’est certain en sciences, le port du masque permettrait de réduire la pression sur les systèmes hospitaliers en limitant les transmissions. » Cependant il serait, d’après lui, difficile de justifier l’obligation de le porter. « Il ne s’agit pas d’une pandémie mais bien d’un épisode saisonnier. C’est un évènement qui va durer trois mois. »

Alors selon toutes vraisemblances, ces pressions saisonnières sur les systèmes hospitaliers sont donc naturellement vouées à perdre en intensité, mais à l’avenir, la recherche devrait elle aussi aider à les soulager. Le spécialiste en microbiologie médicale explique : « La pandémie de COVID-19 a accéléré la recherche de nouveaux vaccins pour d’autres maladies, notamment celui pour le VRS qui est en cours de développement. »

 

Dernier rappel pour le vaccin COVID-19?

Puisqu’on ne peut plus vraiment parler de santé sans aborder le sujet de la COVID-19, La Liberté a interrogé le Dr Philippe Lagacé-Wiens à propos des rappels de vaccin. Sommes-nous condamné à mettre à jour notre dossier vaccinal tous les trois mois?

« La fréquence va diminuer, on recommande de nouvelles doses aujourd’hui car elles sont plus adaptées à la souche principale de COVID-19 qui circule actuellement. Ces mêmes vaccins, limitent la propagation du virus réduisant ainsi ses chances de muter. Dans le futur, le rappel du vaccin de la COVID-19 se fera annuellement à la manière de celui contre la grippe. »

Au total au Canada 93 756 996 doses de vaccins contre la COVID-19 ont été administrées depuis le 14 décembre 2020.

Au Manitoba, 249 553 injections de la quatrième dose ont été administrées et on estime à 45 834 le nombre d’injection de cinquième dose et plus.