“Protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030” est l’objectif phare des négociations à la COP15 sur la biodiversité de Montréal. Mais aussi le plus disputé: est-ce suffisant? Trop ambitieux? Et comment l’appliquer sans oublier les 70 % restants, également cruciaux?

Par Benjamin LEGENDRE – © Agence France-Presse

Revue des différentes positions autour de cet objectif, parfois qualifié d’équivalent pour la biodiversité du 1,5°C de l’accord de Paris sur le climat.

– Excessif –

“30% est un minimum, pas un plafond”, répètent la communauté scientifiques et les défenseurs de l’environnement, très inquiets de voir un chiffre moins ambitieux dans l’accord final, alors que 17% des terres et 8% des mers sont déjà protégées.

Pourtant l’Afrique du Sud, imitée par la Russie et l’Arabie Saoudite, a plaidé pour une cible globale de 20 %. D’autres pays, comme la Chine, le Japon, ou la Corée du Sud sont favorables au 30% pour les terres, mais préfèreraient 20 % des mers d’ici 2030, la marche étant sinon trop haute.

Pour ne pas pénaliser les pays très denses ou avec une petite façade maritime, la cible chiffrée sera vraisemblablement mondiale. Certains prendraient, en étant aidés, une part plus grande à l’effort, notamment s’ils abritent des zones très riches en biodiversité voire décisives contre le réchauffement climatique (Amazonie, Bassin du Congo).

– Pas suffisant –

“30 %, ce serait un objectif louable si nous étions en 1952. Mais nous sommes en 2022 et nous n’avons plus le luxe d’attendre”, alerte le biologiste Eric Dinerstein. “Autrement dit, pour nous les scientifiques, c’est 50 % qui correspond au 1,5°C” de l’accord sur le climat, affirme cet auteur de l’étude “Global Safety Net” qui a identifié les régions du monde nécessitant une protection.

“Nous serions déjà au-delà de 30 % de conservation de la planète, si nos gouvernements

reconnaissaient les droits des peuples autochtones et des communautés locales sur leurs territoires”, plaide Oscar Soria, directeur de campagne chez Avaaz, qui soutient une cible de 50 % avec d’autres ONG comme Wild Foundation ou One Earth.

De fait, les peuples autochtones – 6 % de la population mondiale sur 25 % des terres émergées – sont un acteur majeur des négociations à Montréal. “Nous sommes ici pour faire passer le message que nous ne pouvons pas atteindre des objectifs de conservation ambitieux sans tenir pleinement compte de nos droits”, selon Jennifer Corpuz, avocate et membre du Forum international autochtone sur la biodiversité (IIFB).

– Sous conditions –

C’est la ligne la plus répandue parmi les ONG: se contenter des 30 %, mais en exigeant que les pays acceptent des critères qualitatifs dans l’accord.

Par exemple, certaines organisations estiment que seules des zones “écologiquement significatives” doivent être retenues pour que les parcs protégés ne soient pas des “parcs sur le papier”.

Certains voudraient même un pourcentage de zones “fortement ou totalement” protégées, sans activité humaine ou presque.

Mais pour l’heure, la plupart de ces critères qualitatifs sont en suspens dans le projet d’accord.

Alors les ONG tentent de faire pression sur la “Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples” (HAC), menée par la France, le Costa Rica et le Royaume-Uni, qui avec plus de 130 pays, soutient le 30 %.

Mais “si les critères sont trop restrictifs, les pays iront protéger des zones sans grand intérêt pour la biodiversité”, met en un garde un négociateur occidental.

Et l’équation se complique car “les zones les plus riches sont aussi celles avec les meilleures ressources: il faut les gérer durablement mais pas interdire”.

Et puis cet objectif phare ne doit pas aboutir à des ambitions réduites pour le reste du globe, soulignent des experts. “On parle beaucoup des 30 %, mais ce qui est décisif c’est aussi ce qu’on fait à la nature sur les 70 % restants”, ajoute-t-il.

La défense de la biodiversité dans l’aménagement du territoire, la réduction des pesticides, la restauration des terres dégradées, sont aussi des objectifs majeurs de l’accord négocié à Montréal.

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