À Winnipeg, on ne parle jamais d’infrastructure sans parler de sa piètre condition : des routes avec des nids-de-poule à n’en plus finir, des centres communautaires délabrés, des piscines municipales qui doivent fermer car le coût de réaménagement est trop élevé.

Par Michel DURAND-WOOD

Mais comment en sommes-nous arrivés à ce point? Il semblerait évident que c’est le rôle de base d’un gouvernement municipal de fournir l’infrastructure pour notre vie quotidienne, et d’en assurer le maintien ainsi que l’éventuel remplacement.

Alors si notre infrastructure laisse à désirer, c’est simplement qu’on n’y a pas assez attribué de sous dans le budget municipal, non? Sur ce postulat, je crois qu’on se met tous plutôt d’accord. Mais sur la raison pour laquelle il n’y a jamais assez de sous à y mettre, c’est là qu’on a tendance à se diviser en deux camps.

Le premier groupe insiste que le manque à gagner découle d’un gaspillage de ressources. On n’a qu’à couper dans les dépenses et on y arrivera!

Le deuxième groupe, quant à lui, est convaincu que la cause est un manque de revenus. On n’a qu’à augmenter les impôts fonciers, ou encore, demander plus d’appui des gouvernements provincial et fédéral, et presto!

Malheureusement, les deux groupes ont tort. On pourra revoir ces chiffres-là en détail lors d’une prochaine chronique, mais pour maintenant, contentons-nous de savoir que le manque à gagner est tellement immense, que ni coupures, ni augmentations sont des solutions réalistes.

Car la dure réalité est que nous avons construit beaucoup plus d’infrastructures que nous sommes en mesure de soutenir. On peut faire un calcul assez simple pour voir à quel point.

La valeur totale de toutes les évaluations de propriétés en ville se chiffre à environ 105 milliards $. C’est la valeur imposable de toutes les maisons, condos, magasins, usines et bureaux à Winnipeg. C’est la valeur qui détermine les impôts fonciers qu’on pourra collecter.

En revanche, la valeur de remplacement de toute notre infrastructure municipale se chiffrait à 35 milliards $ en 2018. Toute infrastructure doit être remplacée, et voilà le coût de le faire, selon les rapports de la Ville de Winnipeg. Avec l’inflation et les ajouts faits depuis, on estime que cette valeur atteint près de 40 milliards $ aujourd’hui.

Ce qui donne un ratio entre évaluations et infrastructure, entre investissement privé et investissement public, d’environ 2,6 pour 1.

Ça veut dire que pour chaque tranche de 2,60 $ dans l’évaluation d’une propriété, le propriétaire (ou parfois indirectement le locataire) est responsable pour une tranche de 1,00 $ d’infrastructure.

Ta demeure est évaluée à 260 000 $? Donc, tu peux compter 100 000 $ d’infrastructure pour lequel les frais de maintien et de remplacement sont ton entière responsabilité.

Amorti sur la vie moyenne de l’infrastructure, disons 25 ans, il te faudra contribuer 4 000 $ par année pour parvenir à payer juste le remplacement de l’infrastructure, et ce, dans le cas d’une propriété qui paie actuellement moins de 1 500 $ par année en impôts fonciers. C’est clairement trop.

On parle souvent du coût de l’étalement urbain, mais malheureusement, presque toujours en termes vagues et génériques. On ne parle jamais de chiffres! Mon intention avec mes différentes chroniques sera de partager ces chiffres avec vous. On parlera de développement intercalaire, de transport actif, de transport en commun, de dépendance à l’automobile, et de toute chose ayant rapport à l’infrastructure municipale. Mais à chaque fois, ce sera sous l’optique des finances municipales. Impossible de parler de nos préférences sans parler de dollars, car le prix d’une chose affecte décidément ces préférences.

J’ai hâte, car il nous reste encore beaucoup de choses à discuter…