FRANCOPRESSE – Moins connus et moins financés, les établissements postsecondaires francophones de petite taille doivent redoubler d’efforts pour attirer les étudiants.
Marianne Dépelteau – Francopresse
« La promotion de la formation postsecondaire en français au sein des écoles secondaires de langue française ou d’immersion est très inégale, peu efficace et habituellement liée à un seul établissement, soit celui situé à proximité. » Une réalité soulignée dans le rapport final des états généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire.
L’Université Saint-Paul, à Ottawa, accueille environ 1000 étudiants par année. Pour Simon Tremblay-Pepin, secrétaire de la faculté des sciences humaines, les petits établissements manquent de fonds destinés exclusivement à la promotion.
« Quand on a des petits budgets, on met l’argent ailleurs qu’en promotion », indique-t-il. « On est dans un combat vraiment inégal, que ce soit les universités francophones du Québec ou les universités anglophones dans le reste du Canada, [elles] ont des sommes bien plus importantes à investir que nous. Elles ont des réputations qui font qu’elles sont déjà dans la tête des gens quand ils pensent à où ils vont étudier. »
L’Université Saint-Paul fait partie d’une fédération avec l’Université d’Ottawa. Les budgets octroyés au petit établissement passent en grande partie par l’Université d’Ottawa.
« La priorité de l’université est toujours de payer ses employés et d’offrir ses cours. La promotion est toujours un budget qui va être grevé en fonction des autres priorités », note le professeur.
Simon Tremblay-Pepin cite aussi en exemple les difficultés d’accès aux budgets d’infrastructure. « Pour rénover leurs bâtiments [les petites universités] doivent, là aussi, aller chercher de l’argent dans d’autres budgets », comme ceux du marketing et de la promotion.
L’union fait la force
Dans un souci de maximiser leurs efforts de recrutement, les établissements postsecondaires allient souvent leurs forces pour aller à la rencontre des étudiants potentiels dans les écoles secondaires.
Par exemple, une vingtaine d’établissements postsecondaires du Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick – dont des établissements anglophones – ont visité les écoles secondaires du Nouveau-Brunswick au début du mois d’octobre.
Pour Philippe Haché, coordonnateur de la tournée et agent de liaison à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, cette approche permet aussi de mettre en valeur les établissements moins connus. « On leur dit souvent que c’est une journée pour faire du magasinage, d’aller voir ce qui existe et de s’informer pour qu’ultimement, ces élèves soient en meilleure position pour faire un choix de carrière qui est éclairé. »
D’après un témoignage présenté dans le rapport des états généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire, «il faut mieux informer les parents, créer des [séances d’information] en anglais et en français pour donner un aperçu aux parents [des] avantages de faire [des études] postsecondaires en français. Briser le mythe selon lequel ce n’est pas une bonne chose de faire son postsecondaire en français. »
Miser sur les particularités des établissements
Émilie Champagne est directrice du Centre Collégial de l’Alberta. Selon elle, les étudiants tirent avantage des liens entre le Campus Saint-Jean (CSJ) et l’Université de l’Alberta. Le CSJ mise d’ailleurs sur l’offre égale de services dans les deux langues dans ses outils de promotion.
En plus d’obtenir un diplôme avec le sceau de l’Université de l’Alberta, qui selon elle est une valeur ajoutée, les étudiants « peuvent aussi décider d’aller au campus [de l’Université de l’Alberta], donc ils ont le meilleur des deux mondes », pour profiter des divers services. Elle précise que les étudiants peuvent profiter d’« une réelle relation avec la communauté francophone d’Edmonton. Les étudiants ont plein d’opportunités de s’impliquer, probablement dans le milieu d’emploi où ils iront ensuite ».
Émilie Champagne insiste sur la qualité de l’expérience pour les étudiants inscrits au Campus Saint-Jean. « [L’expérience] universitaire ici au Campus Saint-Jean va être très intime. Les gens vont vous connaître par votre nom ».
Hélène Doré-Lavigne de l’Université Saint-Paul, à Ottawa, abonde dans le même sens. « [Un petit établissement] est une bonne option chez le jeune qui recherche une institution où tu n’es pas juste un numéro. »
Dépoussiérer les mythes
Néanmoins, pour la vice-rectrice associée à la gestion des effectifs universitaires de l’Université Saint-Paul, se faire connaître est insuffisant ; il faut aussi bien se faire connaître. « Il y a des vieux mythes, si je peux dire, qui règnent encore sur l’Université Saint-Paul alors il faut un peu de désamorcer ça. »
Hélène Doré-Lavigne fait référence à la crainte que l’université n’offre que des programmes reliés à la religion en raison de l’histoire de sa fondation par des Missionnaires oblats de Marie-Immaculée qui en sont toujours partiellement gestionnaires. « On n’offre pas juste le programme de théologie, insiste-t-elle. On a aussi un grand éventail de programmes dans les sciences humaines. Il faut aller vendre davantage cette option. »
L’Université Saint-Paul propose également des programmes qui ne sont pas offerts ailleurs dans la francophonie canadienne comme « leadership transformatif », « innovation sociale » et « relations humaines ». Une proposition qui est un couteau à double tranchants d’après Simon Tremblay-Pepin. « Il faut non seulement faire découvrir une université, mais il faut faire découvrir des programmes qu’ils ne connaissent pas. »
Déséquilibre dans l’offre en français
Malgré la promotion faite par les établissements, parmi les 859 programmes universitaires offerts en français dans les provinces à majorité anglophone, environ la moitié étaient offerts à l’Université d’Ottawa en 2021.
L’Ouest est davantage défavorisé, car bien que 19,8% de la population francophone et acadienne s’y trouve, la région propose seulement 7,9% des programmes universitaires francophones au pays.
Source : Rapport final des États généraux sur le postsecondaire en contexte francophone minoritaire
Le postsecondaire, un bizness?
Selon Émilie Champagne, la compétitivité entre les établissements postsecondaires les « oblige à faire mieux ».
« [Les étudiants] paient pour être là, ils paient très cher en temps et en argent, ajoute-t-elle. On se doit d’offrir une qualité de programmes, on se doit de regarder ce que les autres font pour être sûrs qu’on n’est pas à côté de la track. »
Mais pour la directrice du Centre collégial de l’Alberta, l’approche « marketing » de l’éducation postsecondaire a tout de même des limites. « On ne va pas nuire à notre qualité de programmes pour aller chercher plus de fonds, on ne va pas inventer un programme bonbon parce qu’on sait que le gouvernement donne de l’argent si on fait ça. »