À la fin de l’année 2022, le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire Marie-Claude Bibeau, a annoncé fournir des indemnisations pour les producteurs touchés par les répercussions de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Ainsi, les producteurs et les transformateurs de lait, de volailles et d’oeufs se partageront plus de 1,7 milliard $ sous forme de paiements directs et de programmes d’investissement.

Une bonne nouvelle pour les producteurs canadiens touchés notamment par la hausse des prix.

Par Jonathan SEMAH

“Promesse faite, promesse tenue. » C’est par ces mots que la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a fait cette annonce importante. « Nous nous étions engagés à compenser de façon pleine et équitable les pertes de marchés subies par les producteurs et les transformateurs de lait, de volailles et d’oeufs et voilà qui est fait », avait-elle ajouté dans un communiqué de presse.

Pierre Lampron est un producteur laitier de la Mauricie au Québec, mais aussi le président des Producteurs laitiers du Canada (PLC) depuis 2017. Il a accueilli positivement cette nouvelle. « On nous a dit d’attendre, on a été patients, on a enfin été livrés. Un politicien qui tient ses promesses, c’est apprécié. Surtout dans le contexte économique difficile. On avait peur de tomber dans l’oubli, mais on avait déjà de premières compensations et cette dernière va se rajouter. »

Dans le détail, le gouvernement a déjà expliqué comment ces 1,7 milliard $ seront répartis. 1,2 milliard $ sont prévus pour les producteurs laitiers du Canada en utilisant un program-me de paiements directs. 112 millions $ aux producteurs de volaille et d’oeufs dans le cadre du Programme d’investissement à la ferme pour la volaille et les oeufs. 105 millions $ pour soutenir les investissements dans les usines de transformation du lait, de la volaille et des oeufs dans le cadre du Fonds d’investissement pour la transformation des produits sous la gestion de l’offre. Et enfin, un autre 300 millions $ d’investissements est prévu pour les transformateurs laitiers du Canada en utilisant un nouveau programme d’innovation.

Pierre Lampron
Pierre Lampron, président des Producteurs laitiers du Canada lors de l’annonce sur la compensation pour l’impact de l’ACEUM le 14 novembre 2002 à Ascot Corner, Québec. La ministre Marie-Claude Bibeau est en arrière-plan. (photo : Gracieuseté Les Producteurs laitiers du Canada)

Pour rappel, ces indemnisations arrivent après plusieurs années d’accords commerciaux avec d’autres pays. L’accord transpacifique avec la zone Asie-Pacifique, l’accord économique et commercial global (AECG) ou encore le dernier en date l’ACEUM auraient fait perdre environ 18 % de parts de marchés aux producteurs canadiens. Pierre Lampron espère ne plus en perdre à l’avenir. « On ne veut plus être sacrifiés dans des ententes commerciales. On sait que c’est bon pour le pays, mais il ne faut pas sacrifier toujours le même secteur. On a eu quelques garanties verbales pour l’avenir. Mais si demain un nouveau gouvernement est amené à décider, ça peut changer pour nous aussi. »

| Des difficultés économiques

En 2022, le Canada comptait 9 952 exploitations laitières. Alain Philippot gère l’une d’entre elles à Saint-Claude au Manitoba. Il a repris cette exploitation familiale de 640 acres, qui existe depuis 1912, au début des années 1990. Le fermier qui s’occupe de 86 vaches voit aussi d’un bon oeil cette annonce gouvernementale même si beaucoup de défis sont à relever. L’année 2022 a notamment été délicate économiquement.

« La guerre en Ukraine et l’inflation ont fait grimper nos coûts de production. Ça nous met dans une position défavorable où l’on tire un peu de l’arrière. Puis ce qui est bon pour l’un et pas toujours bon pour un autre. Par exemple, les prix des céréales, de l’huile et du colza ont vraiment monté, ce qui est bon pour un producteur céréalier. Mais nous, ce sont des produits qu’on achète pour nourrir nos animaux. Je pense aussi aux engrais qui ont beaucoup augmenté récemment. »

En effet, ces derniers coûtaient 331,60 dollars la tonne en septembre 2020. À la même période en 2022, ils coûtaient 903,12 dollars la tonne selon le site indexmundi. Dépendant de faits extérieurs, Alain Philippot a dû être vigilant et bien gérer ses fonds. Grâce à sa longue expérience, il anticipe toujours le pire. C’est pourquoi il a un an à un et demi d’avance de nourriture pour les animaux.

Malgré tout, si la situation s’éternise, les prix du lait vont peut-être à nouveau augmenter aussi. « On a déjà eu 2 % d’augmentation au mois de septembre. Un nouveau calcul est prévu pour le mois de février. Sur l’année, on doit être sur une augmentation de 4 à 6 % net. Ce qui est rassurant, c’est qu’on voit que la demande pour le lait ou le fromage est toujours importante même si les consommateurs sont très préoccupés par l’inflation. Une bonne chose, c’est que dans les magasins, au détail, la hausse des prix a été contenue à 12 %, ce qui est beaucoup moins que d’autres produits. On est fiers d’avoir gardé ces prix relativement bas, ça démontre la stabilité de la gestion de l’offre. »

Ferme Philippot
L’exploitation familiale des Philippot existe depuis 1912. (photo : Marta Guerrero)

| Un signal fort pour le métier

Ces annonces tombent au bon moment pour les producteurs, notamment pour les producteurs laitiers. Touchés par le dérèglement climatique, comme la sécheresse au Manitoba en 2021, la COVID-19 et l’impact sur la santé mentale, puis maintenant la guerre en Ukraine et l’inflation, les producteurs rencontrent plu-sieurs défis dans leur métier. « Malgré les variations de notre métier, ces indemnisations sont un beau message pour les jeunes qui voudraient se lancer dans le métier. Le gouvernement ne nous abandonne pas et les gens sont sensibles et reconnaissants envers notre métier. L’agriculture nourrit notre pays », indique Pierre Lampron.

Même constat du côté d’Alain Philippot qui est justement en train de former son fils Nicolas, 23 ans, à reprendre prochainement l’exploitation. « Ces compensations vous nous permettre de continuer la modernisation de notre entreprise pour que la prochaine génération soit prête et se sente plus à l’aise de faire des investissements. Les fermiers canadiens sont prêts à fournir l’un des meilleurs produits au monde. Mais pour ça, on a besoin de sentir le soutien politique, que le gouvernement soit prêt à soutenir un investissement dans la transformation et aussi dans la prochaine génération. Mon garçon se sent maintenant prêt à se lancer complètement dans la ferme. »