Au Centre culturel franco-manitobain, le jeudi 5 janvier se tenait le vernissage de l’exposition : Mon Afrique, disponible jusqu’au 2 mars. À travers leurs créations, les deux artistes manitobaines, Marie Rosette Mikulu et Ori Ochoga, font une ode à la mode, au pagne, et à leur continent d’origine.

Par Hugo BEAUCAMP

À moins d’une heure de l’inauguration de leur exposition, Marie Rosette Mikulu et Ori Ochoga peaufinent les derniers détails. La première prépare les fiches descriptives des textiles exposés sous plexiglass, la deuxième s’affaire au repassage d’une robe en pagne à l’orange frappant. De la musique africaine résonne dans la galerie d’art du CCFM. Tout autour du pilier central et le long des murs, les robes, les vestes et les corsets en pagne africain attirent et retiennent l’oeil. Dans un coin salon sont exposés des lampes, des coussins fabriqués avec ces toiles cirés emblématique du continent africain. Le thème de l’exposition ne fait aucun doute.

| Le produit de plusieurs cultures africaines

« Ori et moi sommes le produit de plusieurs cultures africaines, raconte Marie Rosette Mikulu. J’ai grandi un peu partout en Afrique et je voulais vraiment que l’exposition reflète cela. » Pour leurs créations, les deux artistes ont utilisé des textiles provenant de régions, de pays et de cultures différentes pour les réunir dans une seule collection. « Pour nous l’Afrique, ça passe par le textile. Nous les Africains on aime la sape, c’est dans notre sang! », expliquent-elles d’une même voix.

Les deux jeunes femmes se sont rencontrées en 2020 sur les réseaux sociaux. En février dernier, lorsque le CCFM propose à Marie Rosette Mikulu de faire quelque chose en rapport avec l’Afrique, elle a tout de suite su qu’elle voulait partager cette expérience. Une collaboration qui a porté ses fruits, même si les créatrices admettent que le travail a commencé un petit peu sur le tard : « Nous sommes très occupées toutes les deux alors c’était difficile de trouver un moment pour travailler ensemble. Mais nous avions beaucoup échangé à propos de notre vision pour l’exposition, alors lorsque nous avons commencé la production nous avions déjà une idée claire de ce qu’on voulait. » Une vision commune et un travail complémentaire donc, comme le confie Marie Rosette Mikulu, la seule francophone du duo : « En termes de design, on se complète bien. Sur une robe en particulier j’ai fait le corset parce que j’aime les faire et Ori qui touche à tout s’est occupée des autres parties. »

| Le pagne à l’honneur

Ce travail autour du pagne est lourd de sens pour les deux designeuses autodidactes. Ce tissu importé en Afrique par les colons a été complètement intégré par la société africaine et fait aujourd’hui partie intégrante de ses cultures vestimentaires. Mais au-delà de cet aspect historique, en termes de mode, le pagne n’a pas toujours eu la cote, comme le rappelle la Manitobaine : « Même les Africains ont longtemps étaient réticents à le porter. Ça a beaucoup changé ces dernières années. On voulait montrer que même s’il est utilisé dans la vie de tous les jours, le pagne a aussi sa place dans le milieu du luxe et de la mode. » Après tout, le pagne reste une matière première, c’est la façon dont il est travaillé qui importe.

| Quid de l’appropriation culturelle

« Maintenant le défi, c’est de donner aux gens l’envie de le porter », Ori Ochoga rebondit sur les propos de sa partenaire et ajoute : « Les vêtements africains sont éclatants de couleurs, forcément ils sortent du lot, ils se démarquent mais c’est pour ça qu’on les porte. »

Alors que les imprimés africains plaisent de plus en plus, la notion d’appropriation culturelle, elle, prend de plus en plus de place dans le débat public. Les deux artistes ont d’ailleurs une opinion bien tranchée sur le sujet.

« Si les vêtements plaisent et qu’ils sont portés avec respect, je ne vois pas le problème. Tous les tissus méritent d’être portés et appréciés », soutient Ori Ochoga, rapidement rejoint par Marie Rosette Mikulu qui conclut : « Il est possible d’apprendre la culture et l’histoire de ces tissus, il ne faut pas hésiter à poser des questions. Je suis toujours heureuse de voir quelqu’un porter le pagne, c’est beau à voir. »