Les premières neiges étaient à peine installées à Winnipeg que les discussions autour de la gestion du déneigement par la Ville de Winnipeg reprenaient. Au coeur des discussions, des citoyens qui déneigent eux-mêmes certains trottoirs. Un enjeu entre responsabilisation de la Ville et sécurité des Winnipégois.

Par Ophélie DOIREAU

Initiative de journalisme locale – Réseau.Presse – La Liberté

Aucun citoyen winnipégois qui se déplace à pied ou à vélo n’a pu y échapper : les trottoirs de Winnipeg peuvent être difficiles à pratiquer après des tombées de neige. Quelques citoyens ont décidé de devancer la Ville de Winnipeg et de déneiger eux-mêmes les trottoirs pour pouvoir circuler librement. Pourtant la Ville de Winnipeg a tenu à rappeler sur ses réseaux sociaux et dans une entrevue accordée au Winnipeg Free Press que les citoyens ne doivent pas déneiger eux-mêmes, que ce soit une rue, un trottoir ou une piste cyclable. La compétence revient à la Ville.

Pour Brian Pincott, ancien conseiller municipal de la Ville de Calgary et observateur de la scène politique winnipégoise, il y a un véritable changement qui doit se produire à la Ville. « Depuis des années, je déneige mon trottoir et je découvre que ce n’est pas légal de le faire. Le responsable de l’entretien des rues de la ville a été clair, les trottoirs et les rues sont les propriétés de la ville. Il faut un permis à un citoyen pour travailler sur une propriété de la ville.

« Ce n’est pas raisonnable. La Ville veut que ce soit elle qui déneige les trottoirs, et si nous, citoyens, avons un problème, que nous appelions le 311 pour que la Ville s’en charge. »

Bien que la Ville de Winnipeg ait fait ses rappels, elle a aussi indiqué sur les réseaux sociaux que « nous n’avons pas l’intention d’infliger des amendes pour le déneigement des routes, des trottoirs et des sentiers, mais nous voulons connaître votre avis ». Un soulagement pour les citoyens, certes, mais qui ne règle pas la question du déneigement. Brian Pincott poursuit : « Lorsque l’on contacte le 311, il faut compter environ une vingtaine de jours pour que le problème soit réglé.

| Coincés dans la neige

« J’ai des voisins qui ne sortent pas l’hiver parce que les trottoirs ne sont pas praticables et qu’ils ne peuvent pas se déplacer. Ils sont pris pour une grande partie de l’hiver dans leur maison.

« La politique de la Ville de Winnipeg est de déneiger en priorité pour les voitures, et ensuite on pense aux piétons et cyclistes. Est-ce vraiment la bonne politique? L’hiver dernier, il y a eu tellement de neige qu’au bout d’un moment, les trottoirs n’étaient même plus déneigés. J’appelais le 311 tous les jours. »

D’après la politique de la Ville de Winnipeg, les trottoirs doivent être déneigés dans les 36 heures après une tempête normale. La Liberté a tenté de joindre la Ville de Winnipeg pour comprendre les politiques en place en matière de déneigement. La Ville a décliné notre demande d’entrevue et a fait parvenir par voie de courriel des éléments de réponse. « En termes de capacité, nous nous efforçons continuellement d’améliorer la prestation de services. En juillet 2022, le Conseil municipal a approuvé une recommandation visant à financer l’achat de 15 machines supplémentaires pour le déneigement des trottoirs afin d’aider à respecter les normes de niveau de service spécifiques aux trottoirs et aux sentiers. Ces machines sont en com-mande et devraient arriver à la mi-2023. »

Pour Brian Pincott, si la Ville de Winnipeg veut déneiger elle-même, elle doit se doter d’un budget plus important pour le déneigement. « L’hiver passé, on a entendu la Ville dire qu’il fallait mieux faire. Depuis l’élection d’octobre 2022, le nouveau maire, Scott Gillingham souhaite toujours se concentrer sur les voitures et non sur l’individu.

« À date, il n’y a rien qui a changé. Le message de la ville n’a pas changé. On ne peut pas avancer de cette manière. Il faut un changement.

| Une question de budget

« À Calgary, la Ville ne déneige pas les trottoirs, c’est aux citoyens de le faire. Calgary a le même budget que Winnipeg. À Montréal, c’est la Ville qui le fait. Mais Montréal dépense quatre à cinq fois plus dans son budget de déneigement que Winnipeg. La Ville de Winnipeg ne met pas le budget nécessaire pour tenir sa politique de déneigement. » En effet, la Ville de Montréal dispose d’un budget d’environ 180 millions $ alors que la Ville de Winnipeg a budgétisé 34,7 millions $ pour l’année 2023. Toutefois, ce budget peut s’adapter suivant les besoins, comme l’indique la Ville de Winnipeg : « Nos forces opérationnelles s’adaptent constamment en fonction des conditions requises, c’est-à-dire que si le déneigement doit être effectué en fonction de ce qui est décrit dans la politique, nous le faisons. Des augmentations budgétaires supplémentaires peuvent être nécessaires si le coût réel des activités de déneigement et de contrôle de la glace dépasse le budget au cours des deux derniers mois de l’année.

« À titre d’exemple, le Conseil avait approuvé un budget initial de 34,7 millions $ pour les activités de déneigement et de contrôle de la glace en 2022; cependant, de fortes chutes de neige au début de l’année ont conduit le Comité permanent de la politique, des finances et du développement économique à approuver deux augmentations budgétaires d’un total de 40,1 millions $, modifiant le budget 2022 du département à 74,8 millions $. » Rappelons tout de même que Montréal déneige plus de 10 000 kms de rues et de trottoirs alors que Winnipeg déneige environ 7 000 kms de voies et routes.

| Quel avenir pour Winnipeg?

Brian Pincott se questionne alors sur l’avenir du déneigement à Winnipeg. « Lorsque la Ville dit aux citoyens de ne pas déneiger, que c’est à elle de le faire, elle envoie un message clair aux personnes qui ne peuvent pas sortir de chez elles pendant cette période. Pour la Ville de Winnipeg, c’est acceptable que des gens restent bloqués chez eux.

« Quelle ville voulons-nous? La Ville va devoir se pencher sur la question du déneigement, soit en changeant son budget, soit en changeant sa politique. »