Une étude parue à la fin de décembre 2022 mettait en lien les particules issues du trafic automobile avec la démence et la maladie d’Alzheimer. Discussion, pour comprendre ce lien, avec Audrey Smargiassi, professeure titulaire au département de santé environnementale et santé au travail à l’École de santé publique du Québec. 

Une étude, menée de 2000 à 2017 sur 18 millions d’Américains atteints de démences et 5,8 millions d’Américains atteint de la maladie d’Alzheimer s’est intéressée à la pollution de l’air. En effet, cette étude a mis en lumière que les particules issues du trafic automobile présentes dans l’air augmentaient de 6 à 7 % le risque de développer une démence et de 9 % la maladie d’Alzheimer. 

Audrey Smargiassi, chercheure associée à l’Institut national de santé publique du Québec décortique cette étude. « La pollution de l’air influence la santé des gens. Cependant, dans nos pays industrialisés, l’air devient de plus en plus sain. Ce qui est une bonne nouvelle. Ceci dit, la pollution aux concentrations que l’on connaît semble être associée à des problèmes de santé comme la démence ou à la maladie d’Alzheimer. 

| Les polluants diminuent

« Depuis les 50 ans dernières années, les polluants de l’air ont énormément diminué au Canada. Cette diminution s’observe particulièrement dans les pays industrialisés. Si on s’en va dans les pays émergents comme au Bangladesh, la pollution est similaire à ce qu’on pouvait trouver à Londres dans les années 1950. » 

Depuis plusieurs années, le Bangladesh se hisse en haut du podium pour sa mauvaise qualité de l’air. En date du 16 janvier, la concentration de PM2.5 était de 128,7 μg/m³ soit 25,7 fois supérieure à la valeur guide annuelle de l’Organisation mondiale de la santé. En comparaison, la concentration de PM2.5 à Winnipeg était de 3,1 μg/m³ (1). 

Si les polluants ont diminué au cours des dernières années, Audrey Smargiassi concède qu’ils ont pu avoir un effet sur les personnes qui sont en train de vieillir. « Ce qu’on respirait dans le passé peut avoir occasionné des dérèglements de nos systèmes biologiques et être associé à des problèmes aujourd’hui. 

| Arbre respiratoire 

« L’air et la pollution sont des facteurs qui rentrent en compte dans la démence et la maladie d’Alzheimer. Mais il y en a évidemment d’autres. Je pense aux pesticides particulièrement. » 

Alors comment expliquer le lien entre ce qu’on respire et notre cerveau? « L’air qu’on respire contient toutes sortes de contaminants. Ces contaminants, une fois respirés, peuvent influencer notre système respiratoire mais pas seulement. En effet, les particules les plus fines peuvent se rendre profondément dans notre arbre respiratoire et atteindre la circulation sanguine et donc se diffuser dans tout notre corps dont notre cerveau. 

« Il est aussi possible d’atteindre le cerveau par le nez et le nerf olfactif. Ce sont deux mécanismes qui sont soulevés pour expliquer comment les polluants de l’air et notamment les polluants particulaires peuvent influencer des organes autres que le système respiratoire. » 

Comprendre ces mécanismes par des recherches scientifiques permet aux décideurs publics d’être outillés pour prendre des décisions par la suite comme le souligne Audrey Smargiassi. « Les recherches comme celle publiée dans PNAS est importante parce que les polluants de l’air ont différents impacts sur la santé et le fardeau de la maladie continue de grandir. Au final, quand on montre que la pollution influence sur tous ces systèmes-là, ça veut dire que ça contribue à la santé de la population. Il faut s’y attarder davantage et tenter de trouver des moyens pour réduire cette pollution parce qu’elle continue d’avoir de multiples impacts même à des niveaux de concentration très faibles. 

| Les décideurs publics 

« Les politiques publiques ont fait d’énormes progrès pour diminuer les concentrations de polluants qu’on respire. L’air est beaucoup plus propre qu’il y a quelques années. 

« Même s’il y a eu beaucoup d’efforts pour réduire les concentrations de polluants, il reste des conséquences sur la santé des gens. » 

Bien qu’une volonté politique semble présente, avec l’avancement de la recherche et du matériel, les scientifiques ont remarqué l’apparition de nouvelles particules. « Il y a des polluants qu’on ne mesure pas aujourd’hui et qui sont potentiellement problématiques pour l’avenir. Je pense aux particules ultrafines (2). 

« Les particules ultrafines peuvent infiltrer davantage la circulation sanguine et donc sont possiblement plus toxiques. Mais on n’a très peu de données dessus. Elles proviennent des mêmes sources que les particules fines, elles sont plus fines. Il y a encore peu de surveillance sur ces données. » 

(1) Pour mesurer le niveau de pollution, il faut prendre en compte les particules fines appelées PM2.5. Ces particules sont un mélange de différents composés chimiques et sont émises lors de phénomènes de combustion. Elles mesurent moins de 2,5 micromètres

(2) Les particules ultrafines appelées PM0.1 mesurent moins de 0,1 micromètres.