Étienne Lajoie- Le Devoir – Initiative de journalisme local

Après une matinée houleuse, mardi, les élus fédéraux ont poursuivi avec plus de sérénité l’étude du projet de loi C-13. Le projet de loi représente la première réforme en profondeur de la Loi sur les langues officielles en 30 ans et fait présentement l’objet d’une analyse du Comité permanent des langues officielles.

Le député libéral Francis Drouin s’est pris, en début de journée, aux commentaires faits par certains collègues de la région de Montréal lors des dernières réunions du comité. « Le Montréal Island n’a pas le monopole sur la politique linguistique du Canada », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.

Deux d’entre eux — Marc Garneau (Notre-Dame-de-Grâce–Westmount) et Anthony Housefather (Mont-Royal) — avaient tenté sans succès de retirer toute mention de la Charte de la langue française du Québec du projet de loi déposé par leur propre parti. La députée Emmanuella Lambropoulos (Saint-Laurent) avait quant à elle tenu des propos trompeurs au sujet de la loi 96 du Québec, en affirmant faussement qu’un médecin aurait refusé de soigner une femme anglophone dans sa langue.

« Je dois souligner le message du député Francis Drouin », a affirmé le député conservateur Joël Godin au début de la rencontre du comité, mardi après-midi.

Les différents partis se sont entendus à l’unanimité sur quelques amendements à apporter au projet de loi C-13, qui a été déposé aux Communes en mars 2022. L’un d’entre eux, proposé par les conservateurs, fera en sorte que les communications publiques du fédéral se feront en français, peu importe la technologie employée.

Les libéraux ont pour leur part fait adopter un amendement qui enchâssera dans la loi l’évaluation du bilinguisme déjà réalisée par le Commissariat à la magistrature fédérale. Ce dernier devra aussi offrir aux juges nommés par Ottawa les formations linguistiques nécessaires. La députée néodémocrate Niki Ashton a d’ailleurs livré un plaidoyer en faveur de la mesure libérale « On n’a aucun juge au Manitoba qui peut présider en français. Il faut changer cette réalité », a-t-elle dit.

Il s’agissait d’un des amendements proposés par la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law (FAJEF). Selon le président de l’association, Me Daniel Boivin, il est crucial d’évaluer la « capacité réelle » des juges de présider une audience en français. L’évaluation effectuée présentement par le Commissariat à la magistrature fédérale n’est qu’une simple pratique administrative, note-t-il.

Pas de vote sur les demandes de Québec

Le Bloc québécois, qui relaie les demandes de Québec quant à la réforme fédérale, n’a pas été en mesure d’obtenir un vote du Comité permanent des langues officielles sur l’une de ces demandes.

Le président du comité, le libéral René Arseneault, a jugé irrecevable un amendement exigeant que la mise en oeuvre de la loi se fasse « dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces et des territoires, notamment dans le respect de la Charte de la langue française » et, qu’en cas de conflit, la charte québécoise l’emporte sur les dispositions incompatibles de la loi.

Le comité n’est rendu qu’à l’étude du dixième article du projet de loi C-13, qui en compte 71, et le nombre de séances qui y est consacré est compté.

L’un des plus importants amendements réclamés par le Bloc québécois concerne l’article 54 du projet de loi. Dans sa forme actuelle, le texte législatif donnerait aux entreprises privées sous réglementation fédérale en sol québécois le choix de se soumettre à la Charte de la langue française ; Québec souhaite plutôt qu’elles y soient simplement assujetties. D’après La Presse canadienne, bloquistes, néodémocrates et conservateurs seraient prêts à voter en faveur de cette mesure.

Selon le professeur en droit linguistique François Larocque, de l’Université d’Ottawa, l’adoption d’un tel amendement pourrait toutefois être risquée. « De permettre un régime où les compagnies de compétence fédérale seraient assujetties à la loi québécoise plutôt que fédérale, c’est une abdication de la responsabilité fédérale », soutient-il. Un tel amendement laisserait les citoyens et les entreprises avec moins de recours judiciaires et pourrait mener à des litiges, croit l’expert.