Au fil du temps, le Festival du Voyageur s’est imposé comme le plus grand rassemblement francophone hivernal de l’Ouest canadien. Il est la vitrine d’une communauté toute entière, et ce titre s’accompagne de nombreuses responsabilités, sur le plan culturel bien sûr, mais aussi social. 

Les organisateurs l’ont bien compris, c’est pourquoi les enjeux autour du Festival ont évolué, sans pour autant changer de cap radicalement. 

Eric Plamondon, président du conseil d’administration (CA), revient sur le but premier de ces célébrations : « L’objectif a toujours été de laisser libre cours à la joie de vivre, de la laisser s’exprimer. 

« C’est aussi une invitation adressée à la communauté francophone de se rassembler et de montrer aux autres ce qu’elle est capable d’accomplir. Le fait que cela se déroule à Saint-Boniface, au creux de l’hiver, m’a toujours fait sourire. » 

Heureux, mais bien conscient de l’ampleur de l’évènement, le président ajoute : « On est au service de la communauté, et certaines de ses exigences ont fait évoluer le Festival dans le bon sens. En 2023, on doit notamment prendre au sérieux nos actions par rapport au changement climatique et à la récon-ciliation avec les peuples autochtones. » 

Objectif vert 

L’an passé, avec la mise en place d’une version hybride du Festival, les équipes ont pu tester de nouveaux dispositifs, notamment pour réduire l’empreinte carbone de ces dix jours de festivités. « On va mettre en place des stations d’eau pour diminuer l’achat de bouteilles en plastique. Nous avons aussi fait une évaluation des tentes pour déterminer comment les isoler au mieux et réduire l’impact du chauffage. Ce sont des choses dans lesquelles nous investissons du temps et des ressources continuellement. » 

Malgré son statut de porte-étendard de la francophonie canadienne, le Festival du Voyageur n’hésite pas non plus à prendre des notes chez les voisins. 

« Au Winnipeg Folk Festival, il y a un programme de recyclage, souligne Eric Plamondon. Alors on a adopté le même système avec du compostage et des bénévoles, les écovoyageurs, qui vont aider les gens à trier les déchets pour le recyclage. 

« Nous sommes loin d’être les seuls à s’engager dans ces démarches-là. C’est important de montrer l’exemple. Ça encourage les autres à faire la même chose. Il faut qu’on apprenne à naviguer ensemble dans cette nouvelle réalité. » 

Il est cependant difficile de mettre en place un Festival d’une telle ampleur qui soit parfaitement écoresponsable. Par exemple, il est inimaginable de ne pas chauffer les tentes, « mais il y a une façon responsable de le faire », affirme le président. 

Alors l’équipe donne de son temps hors de la période du Festival pour contrebalancer un peu l’impact écologique produit pendant le mois de février. 

« C’est un fardeau qui n’incombe pas seulement aux festivaliers, explique Eric Plamondon. On le partage. En tant qu’organisateurs, nous prenons le temps, l’été, de planter des arbres, par exemple. » 

De même pour les artistes. Comme le dit celui qui est aussi directeur exécutif d’Artspace, « ils ne peuvent pas venir en canot, il faut donc les faire venir en avion. Cela aussi a un impact écologique ». 

Sur ce point, l’ampleur du Festival du Voyageur devient intéressante. « Notre statut aujourd’hui nous permet d’ouvrir des dialogues sur une multitude de sujets. Avec Air Canada, qui est l’un de nos partenaires, par exemple. » 

Pour toutes et tous 

L’autre cheval de bataille du Festival du Voyageur, cette année encore, c’est l’inclusion sous toutes ses formes. 

Sur les quelque 200 artistes musicaux qui feront le déplacement en février, 15 à 20 % sont des Autochtones et ça, Eric Plamondon en est fier. Il confie tout de même que l’idée de parler d’objectif le gêne. « Il n’y a pas de quotas à remplir dans cette initiative. » 

Pas de quotas, mais une véritable volonté de faire de la place. « On veut que ce soit un vrai partenariat, un véritable échange. Il faut changer notre narratif en reconnaissant que l’histoire des Premières Nations a été enterrée et assimilée. 

« La traite des fourrures n’a pas pris naissance avec l’arrivée des Canadiens français. On doit reconnaitre que l’on s’est greffé à des systèmes qui existaient déjà. Je souhaite que les Premières Nations comprennent qu’elles ont leur place au Festival et qu’elles y sont valorisées. » 

Bien entendu, ces valeurs d’inclusion concernent aussi la communauté 2SLGBTQ+. 

« Nous avons mis en place une programmation qui inclut tout le monde, explique le président du CA. Parce que c’est ça, la francophonie en 2023. » 

Ce mélange est essentiel pour faire vivre pleinement la culture francophone, c’est pourquoi le Festival du Voyageur continue de se mettre au défi, d’évoluer, pour respecter l’histoire et les traditions tout en « restant contemporain ».