C’est un budget opérationnel de 1,28 milliard $ que le maire, élu en octobre 2022, Scott Gillingham a présenté. L’année dernière, c’était un budget de 1,19 milliard $ que la Ville de Winnipeg avait adopté.

Si Scott Gillingham avait promis de ne pas maintenir le statu quo à la Ville de Winnipeg, il semble que le budget présenté dise le contraire. Michel Durand-Wood, résident du quartier d’Elmwood et qui s’intéresse à la politique municipale commente : « Avant la présentation du budget, la Ville de Winnipeg avait annoncé qu’il n’y aurait pas de grosses surprises. Effectivement, il n’y en a pas. C’est un budget qui reflète une ville aux bords du désarroi financier. »

Pour autant, pour Michel Durand-Wood rien n’est perdu si les citoyens commencent à se poser les bonnes questions : « La Ville essaye de déplacer des fonds à droite et à gauche pour équilibrer le budget opérationnel. Les vrais problèmes sont dans le budget capital. Malheureusement, les Winnipégois sont habitués au déclin, au fait que les nouveaux budgets soient synonymes de coupures. Hors, ce n’est pas normal.

« Pourquoi il y a des coupures? On est une ville grandissante en termes de population. On devrait avoir plus de moyens. Mais ce n’est pas ce qu’on remarque. La Ville est un milliard plus pauvre qu’il y a 10 ans. Donc il y a quelque chose qu’on ne regarde pas en tant que population. »

Boulevard Kenaston

Pour Michel Durand-Wood il est important de souligner que ce n’est pas la faute d’une personne en particulier, c’est un problème plus global qui remonte à un certain temps. « Ce n’est pas juste à Winnipeg. C’est partout pareil en Amérique du Nord. Depuis l’après Seconde Guerre mondiale, l’approche pour construire les villes a changé.

« En constatant que ce n’était pas un modèle viable, certaines villes ont pris le tournant de changer de modèle. Mais à Winnipeg, il n’y a pas eu ce déclic encore et ses citoyens le ressentent dans le budget. »

Il faut se tourner vers le budget capital. Pour Michel Durand-Wood, les véritables enjeux se trouvent-là. « Scott Gillingham dit qu’il n’y a pas l’argent pour remplacer le pont Arlington, mais en même temps, dans le budget il y a un 2,8 millions $ attribué à la planification et la conception préliminaires du prolongement de la route Chief Peguis et l’élargissement du boulevard Kenaston.

« Il y a aussi un 40 millions $ vers les eaux et les égouts pour la première phase de Centreport Sud. Alors, on trouve de l’argent pour faire de l’expansion. Mais pas pour le maintien. S’il y a un agrandissement, il y aura besoin de maintien à un moment.

« L’argument général est : les agrandissements sont bons pour la croissance. Mais sont-ils assez bons pour se payer tout seul? Si c’était le cas, la Ville n’en serait pas là. »

Il est important de souligner qu’avant de passer à la planification du boulevard Kenaston, Scott Gillingham avait promis durant sa campagne électorale de mener une étude sur les bénéfices financiers de cette extension. Le budget ne reflète pas cette promesse.

Rappelons aussi que l’argument pour agrandir le boulevard Kenaston est que la circulation est lente. Michel Durand-Wood souligne que l’expansion n’est pas forcément la bonne réponse. « Avec une nouvelle route, il y aura le même problème. Il faut enlever des voitures pour que la circulation soit moins lente. Pour enlever des voitures, il faut donner des options aux gens de rendre là-bas sans voiture. Soit avec plus de bus ou des pistes cyclables.

« L’argument général est : les agrandissements sont bons pour la croissance. Mais sont-ils assez bons pour se payer tout seul? Si c’était le cas, la Ville n’en serait pas là. »

Michel Durand-Wood

Quel pouvoir?

« De plus, la construction de pistes cyclables ou l’ajout de bus augmentent la valeur d’une propriété. Alors que l’ajout d’une grande route fait diminuer sa valeur. Personne ne veut vivre à côté d’une autoroute. Si tu fais diminuer la valeur d’une propriété, tu réduis ta collecte de taxes. »

La Ville de Winnipeg se retrouve donc dans une situation d’appauvrissement. D’ailleurs, elle a 850 millions $ d’obligations financières. Le point de non retour est proche comme le pense Michel Durand-Wood. « Quand la Ville aura dépensé tout l’argent qu’il y a en réserve et qu’elle aura emprunté à sa capacité maximale, ce sera la fin.

« Or quand on regarde le budget, dans le fonds de réserve d’urgences, il reste cinq millions $ parce qu’on a vécu des années avec beaucoup d’urgences (tempête de neige, pandémie).

« Cette année, il a été annoncé qu’on allait remettre 15 millions. Mais ces 15 millions $ viennent du fonds des Eaux et déchets. C’est de l’argent qu’on a mis de côté pour entretenir et mettre à jour le système d’eaux et d’égouts dont la Ville nous dit déjà qu’il n’y a pas assez d’argent pour l’entretenir.

« En même temps, la Ville a dit que parmi ces 15 millions $, six iront à l’entretien des routes. Il reste alors seulement neuf millions $ dans le fonds de réserve. »

Certains indiquent qu’une aide de la Province serait la bienvenue. Ce n’est pas envisageable pour Michel Durand-Wood. « L’argent du Fédéral ou de la Province n’est pas une solution. Encore une fois, il faut réfléchir plus loin :

Combien d’argent il faut pour qu’on soit capable de maintenir et de remplacer tout notre capital?

« Il faut tout de même souligner que si la Ville demande de l’argent à la Province ou au Fédéral, c’est inévitable que la Ville va devoir laisser le pouvoir monter.

« On le voit déjà avec le Economic Development Board au Manitoba. Ce conseil peut défaire des décisions de la Ville. C’est arrivé à Charleswood, un promoteur voulait mettre en place un développement pour les 55 ans et plus. La Ville a dit oui, quelqu’un a amené ce dossier devant la Province et elle a dit non. La Ville existe juste parce que la Province dit qu’elle existe. De manière générale, c’est la Province qui a donné le pouvoir à la Ville de collecter de l’argent »