Si elles sont un moyen de faire savoir son désaccord, les sanctions sont-elles efficaces pour autant? Entretien avec Andrea Charron, professeure agrégée en relations internationales à l’Université du Manitoba. 

La guerre ne se mène pas seulement sur le champ de bataille. Si les outils comme la propagande et la désinformation sont bien connus et existaient déjà en 1914-1918, la guerre en Ukraine a mis en lumière une autre forme d’arme. 

Le mot sanctions n’a eu de cesse de revenir sur le devant de la scène médiatique depuis les premiers jours de l’invasion. Si l’on savait leur existence, les sanctions ont connu un essor phénoménal ces 30 dernières années et la tendance ne semble pas perdre d’élan. 

Mais le système de sanctions, finalement, existe depuis bien longtemps. Au 17e siècle en revanche, on parlait plutôt d’embargo ou encore de blocus. Les objectifs étaient les suivants : punir un manquement aux règles, porter un coup à l’économie de l’État que l’on jugeait coupable et tenter de provoquer un changement de comportement. 

Alors les règlementations autour de ce système ont beaucoup évolué au fil du temps. Avec la création de la Société des Nations (SDN) en 1919, des normes de droit international ont été créées pour venir s’appliquer à ces mesures coercitives. 

Et aujourd’hui les domaines d’actions des sanctions est beaucoup plus étendu. Elles peuvent relever du domaine de l’économie bien sûr, mais aussi diplomatique, culturel et militaire. 

Les sanctions prises commencent quand même à mordre. La Russie a été atteinte. 

Andrea Charron

Un long processus 

Pour faire simple, le système de sanctions permet de faire la guerre, sans faire la guerre. Isoler un État du reste du monde, c’est le tuer en quelque sorte. 

Dans le cadre de la guerre qui fait rage à l’Est, les sanctions à l’encontre de la Russie ne cessent de s’accumuler depuis un an. Malgré la détermination de la communauté internationale, le pays de Vladimir Poutine ne montre aucun signe de reconsidération. La question de l’efficacité des sanctions se pose alors. 

Andrea Charron, est profes-seure agrégée en relations internationales à l’Université du Manitoba. Elle est spécialisée dans l’étude du système de sanctions canadien, mais aussi celui de l’OTAN. À propos des sanctions, elle déclare ceci : « Ce n’est pas une formule magique. En revanche ça permet de souligner les violations des conventions internationales et c’est utile pour instiguer un changement de politique (dans ce cas présent, en Russie). Mais c’est un processus qui peut prendre beaucoup de temps », admet-elle. 

Et ce, en dépit de la mise en place de « mesures incroyables. » Car si une année peut paraître interminable pour ceux qui se trouvent sous le feu des armes, en termes de sanctions, « c’est bien peu de temps. » D’autant plus que « l’économie de la Russie est très bien organisée. L’idéal, serait d’arriver à un consensus. Pour que les sanctions soient vraiment efficaces, il faut que tout le monde (la communauté internationale) joigne ses efforts et penche vers le même objectif. Il y a encore trop d’abstentionnistes. » 

Vers un changement 

La professeure, ajoute tout de même des propos rassurants : « Les sanctions prises commencent quand même à mordre. La Russie a été atteinte. Il faut maintenant espérer que les soutiens de Vladimir Poutine se détournent de lui. » Et c’est précisément le but de certaines sanctions, qui visent à isoler les proches du leader russe pour les convaincre de s’en éloigner. À cette fin, on peut noter les interdictions de voyager, mais aussi les saisies de biens que les autorités américaines ont menées jusqu’au continent européen, à Monaco par exemple. Là-bas, dans le courant du mois de juin 2022, c’est toute une société de gestion de yachts de luxe « liée à Poutine » qui a mis la clef sous la porte suite à des sanctions de la part des États-Unis. 

Ce sont d’ailleurs les ÉU qui ont le plus de pouvoir en matière de sanctions. Ces derniers peuvent intervenir à l’international et à l’encontre de toutes les personnes inscrites sur liste noire. À titre de comparaison, le Canada, quant à lui, est seulement capable de sanctionner ses ressortissants, où bien les individus ayant un patrimoine ici, au Canada. 

Système à améliorer

La spécialiste estime cependant que tout le système peut être amélioré : « Il faut faire une évaluation des sanctions. Faire des changements adaptés et surtout, proposer des options. » Andrea Charron estime que les sanctions devraient s’accompagner des étapes à suivre pour les faire retirer. « Cela pourrait encourager un changement de comportement progressif. » 

C’est clair, les sanctions sont un excellent moyen de faire souffrir un pays. Le nerf de la guerre étant l’argent, les pays visés ont donc tout intérêt, d’abord à les éviter, mais surtout, s’ils savent comment, les faire annuler. 

Si la mise en place de mesures contraignantes semble, a priori, s’imposer comme l’alternative la plus noble à un conflit armé, elle n’est pas non plus sans conséquences sur le peuple. « Pour faire plier le genou à la Russie, on fait pâtir les citoyens russes », regrette Andrea Charron. Ces répercussions sur le peuple du pays sont malheureusement inévitables. Frapper à la tête, c’est faire flancher tout le corps. C’est d’ailleurs pour ça qu’il existe d’autres moyens de soutenir l’Ukraine et de combattre le grand méchant russe. « Avec des reportages, en luttant contre la propagande qui sévit au sein du peuple russe et en continuant à soutenir l’Ukraine militairement. »