L’organisme Saint-Boniface Street Links, qui existe depuis 2016, a fonctionné pendant cinq années avec les dons de ses bienfaiteurs.

« Ce n’est qu’en 2022 que nous avons reçu deux budgets distincts et non permanents de la part des gouvernements du Fédéral et du Manitoba », atteste Marion Willis, directrice générale.

Pourtant, Saint-Boniface Street Links est particulièrement actif dans les quartiers Est de la Rivière Rouge, son secteur d’intervention.

Pour preuve, il a été le seul organisme de Winnipeg à organiser une marche, le samedi 25 février 2023, pour soutenir les personnes sans-abri et marquer l’évènement national « la nuit la plus froide de l’année ». Un rendez-vous annuel où des fonds sont récoltés dans plusieurs grandes villes du Canada.

Cette marche, qui a connu la participation d’environ 100 personnes, a également servi à clôturer une campagne de récolte de fonds lancée en décembre 2022, sur la plateforme électronique de Saint-Boniface Street Links.

« Notre objectif initial était de récolter 60 000 $. Nous avons réussi à récolter 40 000$, soit 10 000$ de plus que pendant l’édition de l’année précédente. Nous tâcherons de faire mieux la prochaine fois », indique Marion Willis.

Morberg House
Des résidents de la Morberg House lors d’une séance sur les addictions. (photo : Marta Guerrero)

En quête d’une meilleure visibilité

Pour faire mieux, l’organisme a besoin avant tout de visibilité, selon sa directrice générale.

Les bureaux de Saint- Boniface Street Links sont, en effet, installés dans un garage à l’arrière de la Morberg House, sur le Boulevard Provencher.

La partie la plus importante de l’édifice a été aménagée pour accueillir des personnes sans abri et plus particulièrement des itinérants qui ont passé le cap de la dépendance à la drogue et qui souhaitent retrouver une vie active.

Exceptionnellement, l’organisme occupe depuis décembre 2022 un édifice situé au 604 Chemin St. Mary’s, dans le vieux Saint-Vital. Il a été mis à sa disposition par le maire de Winnipeg, Scott Gillingham. C’était après le décès d’une jeune femme de 27 ans, dans un abribus à Saint-Boniface.

« Officiellement, le bâtiment a été mis à notre disposition jusqu’à fin mars 2023. Nous souhaitons explorer avec le maire de Winnipeg la possibilité de prolonger notre occupation des lieux », espère Marion Willis.

Dans cet abri temporaire, l’organisme a aménagé 15 places pour accueillir des personnes sans-abri, en plus de l’espace réservé à ses bureaux.

« C’est beaucoup plus commode pour les donateurs de se rendre dans un édifice qui a pignon sur rue, comparativement à un garage caché. Si le bâtiment nous est accordé, nous sommes prêts à nous acquitter des charges liées à son fonctionnement », suggère- t-elle.

Contacté, Matt Allard, conseiller municipal de Saint-Boniface, a estimé que « Saint-Boniface Street Links a fait preuve d’une utilisation très efficace de l’espace du 604 St. Mary’s au cours de l’hiver pour aider les personnes sans logement qui avaient besoin d’un refuge contre les intempéries ».

« Je les en félicite. Street Links fait actuellement de son mieux avec ce qu’il a pour mener ses opérations dans un petit espace, et la ville devrait explorer toutes les possibilités pour l’aider à trouver un espace permanent plus grand », a-t-il ajouté. 

Les petits miracles d’une clinique mobile

Depuis avril 2022, Saint-Boniface Street Links mène une action inédite à Winnipeg, pour aider des personnes itinérantes à s’en sortir alors qu’elles sont en état de dépendance à la drogue et à l’alcool.

Une équipe constituée de 22 intervenants rémunérés, entre travailleurs communautaires en santé mentale, des intervenants sociaux et une infirmière, ainsi que 30 bénévoles multitâches, fait office d’une clinique mobile. Elle sillonne les quartiers de Saint-Boniface pour sauver des itinérants des risques de mort par overdose.

Ce programme, financé à hauteur de 325 000 $ sur une période de 18 mois par le gouvernement fédéral, a pour nom OASIS (Outreach and Supportive Intervention for People Who Use Substances).

« Nous avons réalisé que le besoin des personnes itinérantes se situait au-delà de la question des vêtements chauds, de la nourriture et de l’hébergement temporaire, durant les grandes vagues de froid. Beaucoup de personnes sans-abri font face à de sérieux problèmes d’addiction à la drogue et décèdent dans la rue pour cause d’overdose », signale Marion Willis.

La clinique mobile part ainsi à la rencontre des personnes ciblées dans leur milieu, à l’exemple des tentes et des abribus. « Nous les localisons de bouche à oreille, à travers nos amis ou à travers d’autres personnes sans-abri, comme ils se connaissent », explique- t-elle.

Quant à l’approche, elle est plutôt progressive et peut s’étendre sur six semaines. « Notre équipe amène tranquillement les personnes ciblées à accepter d’intégrer le pro- gramme, réduire et ensuite arrêter la consommation des substances pour pouvoir les héberger », ajoute la DG de Saint-Boniface Street Links.

Les personnes admises dans le programme OASIS, sont pour la plupart accueillies dans des maisons mises à la disposition de l’organisme par des propriétaires d’édifices inoccupés ou fermés pour notamment de futures rénovations.

« Comme les bienfaiteurs savent que nous accompagnons ces personnes itinérantes, que nous leur rendons visite et que nous ne les abandonnons pas dans leurs appartements, ils font confiance et sont contents d’aider », témoigne Marion Willis.

« Je ne suis pas encore prêt pour l’instant, mais la Morberg House va m’aider à trouver du travail quand j’aurai complètement dépassé cette situation. »

René, un résident de la Morberg House

René, un résident qui s’en sort bien

Depuis avril 2022, Saint-Boniface Street Links a pu aider 426 personnes itinérantes à faire le premier pas pour sortir de la dépendance à la drogue et à l’alcool, pour ensuite les héberger et les prendre en charge.

« Nous sommes les seuls à avoir cette approche à Winnipeg et cela donne de bons résultats. La démarche ne se concentre pas sur l’itinérance, mais sur les raisons qui mènent à l’itinérance et c’est l’addiction aux substances », insiste Marion Willis.

René, qui n’a souhaité dévoiler que son prénom, est un des bénéficiaires de ce programme. Le Franco- Manitobain de 44 ans a vu sa vie basculer en raison de sa dépendance à l’alcool.

« Je réside à Morberg House depuis quatre mois. J’avais perdu mon appartement, je ne mangeais plus et je me suis retrouvé dans la rue pendant trois mois. J’ai cessé maintenant de consommer de l’alcool et je retrouve ma santé. C’était terrible avant. Je suis resté pendant des années sur l’aide sociale du gouver- nement », raconte-t-il.

René suit avec ses co-résidents des programmes sur l’addiction et comment s’en sortir, tous les matins de 9 h 30 à 11 h 30, du lundi au vendredi, à la Maison Morberg.

« Je ne suis pas encore prêt pour l’instant, mais la Morberg House va m’aider à trouver du travail quand j’aurai complètement dépassé cette situation », espère-t-il.

René
René réside à la Morberg House depuis quatre mois. Il reconstruit tout doucement sa vie. (photo : Marta Guerrero)

Un peu plus de soutien?

Selon Marion Willis, les organismes actifs de l’autre côté de la rivière Rouge reçoivent beaucoup plus de subventions de la part du gouvernement provincial que Saint-Boniface Street Links.

« Au milieu de l’année 2022, le gouvernement provincial a annoncé pour la première fois depuis 2016 une subvention unique de 214 000 $ à notre profit, sur une période de deux ans. Nous l’avons reçue en janvier 2023. L’autre unique subvention de 325 000 $ du fédéral prend fin en novembre 2023 et nous allons devoir continuer à fonctionner grâce aux dons des bienfaiteurs », regrette-t-elle.

Cela dit, Saint-Boniface Street Links reçoit une subvention de 100 000 $ de la part d’une fondation de Calgary qui a exigé l’anonymat et une autre subvention de 80 000 $ de la part de United Way Winnipeg.

Pour référence, les dépenses de l’organisme pour l’année financière 2022-2023 ont été de 1,6 millions $.

Salvatore Salvaggio
Salvatore Salvaggio (tout à gauche) et ses cinq co-résidents de la Morberg House. (photo : Mehdi Mehenni)

Idéalement, Marion Willis souhaite ouvrir une résidence de trente lits pour des femmes itinérantes.

« Beaucoup d’itinérants remontent du centre-ville vers Saint-Boniface, particulièrement pendant le printemps et pendant l’été. Notre région est plus sécuritaire et il y a plus de verdure et de terrains libres où ils peuvent installer leurs tentes. Il y a aussi le fait que les itinérants savent, de bouche à oreille, qu’ils vont avoir de l’aide très rapidement de notre part », note-t-elle.

Pour continuer à aider, Saint-Boniface Street Links, qui reconnaît que le maire de Winnipeg l’appuie dans ses missions, espère un peu plus de soutien.