En grandissant, il était extrêmement important pour mes parents que mon frère et moi atteignions chacun notre plein potentiel. Ils avaient leur conception de ce que l’on était capable ou non d’accomplir et ils fixaient leurs attentes en conséquence. Évidemment, plus petite, j’avais l’impression que les attentes étaient plus grandes pour moi que pour Olivier, surtout pour les tâches scolaires, et je criais parfois à l’injustice. La réponse de mon père raisonne encore dans ma tête : Oui! Le potentiel est plus grand. Les attentes sont plus grandes. T’es capable! Tu le fais! C’était comme ça, et c’était non négociable.

Avec le recul aujourd’hui, je vois bien qu’au fond c’était équitable et effectivement approprié à notre propre potentiel. Il fallait aller au bout de ce que l’on pouvait faire. Moi, c’était l’école et la nage synchronisée. Olivier, c’était les sports d’athlétisme et d’aider mon père avec les tâches manuelles.

C’est toujours aussi important pour mes parents de développer le potentiel d’Oli et plus récemment, ils travaillent son autonomie. Ils lui apprennent à cuisiner des repas simples, à consulter le calendrier, à suivre une liste d’achats au magasin et à rester seul à la maison. Pour apprendre, Olivier a besoin de beaucoup de pratique et de répétitions. Il faut donc lui offrir des moments bien choisis où il peut apprendre sans trop de risque et demander de l’aide au besoin.

Lors d’une visite récente chez mes parents, Oli est sorti de la douche un matin en se plaignant à ma mère du fait que ses cheveux étaient trop longs. Ma mère, très sérieusement, lui répond simplement « Oli, tu sais quoi faire quand tes cheveux sont longs ». Oli, aussitôt lui dit : « Oui maman, c’est vrai! Vas le faire tout de suite ». Curieuse de la situation, j’ai demandé à Oli ce qu’il allait faire pour ses cheveux. Et il me dit tout simplement qu’il allait prendre rendez-vous chez la coiffeuse. J’étais stupéfaite!

Avec détermination, Oli s’est retiré dans sa chambre et a composé un numéro sur som cellulaire. Au même moment, le téléphone de ma mère a sonné et je l’ai entendu prendre naturellement l’appel : « Salon de coiffure chez Diane, bonjour ». C’est alors que j’ai entendu Oli dire « Bonjour, prendre rendez-vous pour coupe de cheveux SVP ». Ma mère, sérieusement, lui a répondu « Oui OK. Est-ce qu’à 16 h aujourd’hui convient? » et mon frère a confirmé qu’il était disponible. Elle lui a demandé son nom et Oli s’est prononcé en articulant très bien « Oli-vier Des-ma-rais ». Il l’a remerciée puis a raccroché. Quelques instants plus tard Oli, tout content, est sorti de sa chambre et a informé ma mère qu’il avait un rendez-vous pour couper ses cheveux à 16 h et voulait le noter au calendrier. Ma mère l’a aidé avec l’écriture et ils ont tous les deux poursuivi leur routine matinale.

Sous mon regard surpris, ma mère seulement dit « Ben quoi?! Il est capable prendre rendez-vous. Il le fait et c’est tout! » Je venais de vivre un de ces moments où l’on enseigne à mon frère à être autonome mais je n’étais pas au bout de mes surprises.

À 16 h tapant, mon frère a réclamé son rendez-vous à ma mère qui s’est exécutée comme elle le fait depuis qu’il est petit. Ce jour-là, mon père est revenu du travail alors que le rendez-vous se terminait il a demandé à son tour à passer sous les ciseaux. Ma mère et mon frère l’ont regardé avec étonnement. Et se sont exclamés presque en même temps « As-tu un rendez-vous?! ». Mon père, un peu insulté, leur a fait un regard réprobateur. C’est Olivier lui a gentiment rappelé qu’il était capable prendre un rendez-vous et donc, qu’il fallait le faire et que c’était comme ça. Devant son fils lui rappelant ses propres paroles, il n’a eu d’autre choix que de s’exécuter et d’appeler ma mère pour prendre rendez-vous…